"La guerre des tétons" : Lili raconte son cancer du sein en BD

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BD - Son cancer du sein lui a été diagnostiqué à 29 ans. Dans une BD, Lili raconte son épreuve. 

Aujourd'hui, "ça va très bien", assure Lili Sohn, qui n'a pas encore terminé ses traitements, mais néanmoins "reprend du poil de la bête". Lili a été diagnostiquée d'un cancer du sein en février 2014, à 29 ans. Son cancer, elle lui a donné un nom : "Günther". Cette trentenaire au visage souriant, qui "dessine depuis toujours", et qui tient aussi un blog BD, Tchao Günther, est l'auteure de La guerre des tétons, un roman graphique dans lequel elle raconte son expérience de la maladie. Un livre qu'elle a écrit pour tenir informé son entourage, parce qu'elle habite à Montréal. "Et puis il y a aussi un moment où ça devient un peu lourd d'annoncer à tout le monde que tu es malade", explique-t-elle. La guerre des tétons était donc aussi "une manière de faire ça d'un seul coup", mais surtout, "de donner le ton sur la façon dont je voulais qu'on me traite", confie-t-elle : "sans pitié, avec de la couleur et des paillettes".  

>>> Europe 1 a rencontré Lili à Paris. L'auteure de La guerre des tétons revient sur cinq scènes fortes de la bande dessinée.

Internet. Lili raconte qu'elle a d'abord eu le réflexe d'aller consulter des sites de santé où les internautes donnent leur avis.  

Lili

© Lili Sohn

"On a tous vu les horreurs qu'on trouve sur 'Doctissimo' et les débilités qu'échangent parfois les gens. Un exemple ? 'J'ai mal aux doigts de pied…' Réponse d'un internaute : 'Oh mon Dieu c'est un cancer !' Je me suis dit que j'allais poser ces questions-là à mes médecins. Sur Internet, je suis plutôt allée chercher des témoignages de femmes qui avaient vécu un cancer. J'ai plutôt cherché ce savoir expérientiel.  Et j'ai découvert tout un autre pan de plateformes web qui allient santé et partage d'expériences, qui sont beaucoup plus intéressantes, qui t'apportent quelque chose. C'est vraiment un partage d'expérience : sur la posologie, sur le meilleur moment de prendre tel médicament pour avoir moins la nausée, sur les petits remèdes..."

L'annonce de la mauvaise nouvelle. C'est son médecin qui a téléphoné à Lili pour lui apprendre la mauvaise nouvelle.

Lili

© Lili Sohn

"Quand j'ai reçu le coup de téléphone de mon médecin, je me suis vraiment dit que ce n'était pas possible qu'on me dise 'ça' au téléphone. Et il n'a pas du tout utilisé le mot 'cancer'. Du coup, je n'ai rien compris. J'ai compris que c'était plutôt négatif mais c'est tout. En même temps, je pense que je ne voulais pas comprendre…

De toute façon, tu es dans un état tellement second, que tu ne veux pas le rappeler pour avoir plus d'explications. Alors j'ai raccroché et j'ai passé le week-end comme ça. En ne sachant pas vraiment.

C'est au moment du premier rendez-vous que le médecin a prononcé le mot 'cancer', parce que je lui ai posé la question directement. 'Oui, il y a quelque chose que vous n'aviez pas compris ?', a-t-il répondu. Le corps médical utilise des termes spécifiques, comme : 'les cellules qu'on a trouvées sont malignes…' Je ne pense pas que c'était une volonté de contourner l'obstacle. C'est que les médecins répètent tout le temps la même chose et que pour eux, ce vocabulaire est tout à fait normal."

Son mec et ses proches. Son ami, ses proches, ont eux aussi vécu le cancer de Lili, mais à leur manière.

Lili

© Lili Sohn

Lili

© Lili Sohn

"Moi je sais ce qui se passait dans mon corps. Je sais que je n'avais pas mal, je sais que j'étais de mauvaise humeur parce que je n'avais pas assez dormi mais la personne en face, elle ne savait pas tout ça. Elle est juste dans l'empathie. Et je pense que parfois, c'est pire. La personne en face, il faut qu'elle soit forte, il faut qu'elle te soutienne.

C'est aussi : tous les copains qui n'osent plus te raconter leurs déboires ou te parler de leurs petits trucs du quotidien… Alors que c'est hyper divertissant en fait !

"Le regard des autres, c'est ça qui fait que tu réalises. L'image que les autres ont du cancer aussi, et qu'ils te renvoient dans la gueule. Là tu dis : 'Je suis vivant là, on se calme !' C'est ça qui est difficile. Et puis c'est aussi une maladie qui est connotée très négativement. Elle fait peur, on n'en connait pas grand-chose. Quand on te l'annonce, tu as une espèce de spectre de la mort qui rôde autour de toi. Mais tu as envie de t'accrocher aux choses les plus fortes dans ta vie. Tu vas plus à l'essentiel."

La féminité. "Qu'est-ce qui fait la féminité" est une question qui s'est imposée lorsque Lili a appris qu'on allait devoir lui retirer un téton.

Lili

© Lili Sohn

"J'ai beaucoup cherché sur internet pour voir à quoi ça ressemblait. Je l'ai fait avec une infirmière. J'ai vraiment visualisé beaucoup la chose. Et puis finalement, le résultat, il était presque, c'est horrible à dire, mais c'était mignon. Ou en tout cas j'ai réussi à trouver ça mignon. Je ne sais pas si je me suis forcée ou si j'ai vraiment trouvé ça mignon, parfois on ne sait pas ce qu'on est capable de se faire croire mais finalement, c'était juste un téton que je perdais.

J'ai parlé avec le personnel médical, qui a vu passer d'autres femmes. Et ça dépend de chaque personne : il y a des gens pour qui c'est un soulagement parce que le cancer se trouve dans cette partie-là et qu'enlever le sein, c'est enlever le cancer. Il y a des femmes pour qui c'est très difficile. Ça dépend de chacun. Ça m'a vraiment amené à me poser la question : qu'est-ce qui fait qu'on est une femme ? Est-ce que c'est deux seins et un vagin ou est-ce que c'est moi, comment je me sens et comment je me comporte ? Je ne m'étais jamais posé ces questions. Tant qu'on ne t'enlève pas tes attributs, tu ne te poses pas cette question-là."

Vivre avec "Günther". Avant l'intervention médicale, il faut continuer à vivre… avec la présence de son cancer.

Lili

© Lili Sohn

"C'était devenu complètement obsédant. Moi, en plus, je ne le sentais pas. A partir de la biopsie, lorsqu'on prélève un morceau de tumeur, il y a une ecchymose qui se forme autour… A partir de ce moment-là, ça devient concret, là je pouvais le sentir. Mais c'est un peu bizarre parce que je n'avais pas mal.

J'étais en super forme, j'allais courir. Du coup, tout à coup, ce truc-là apparaît, donc tu te dis que c'est ça qui te rend malade…Tu veux qu'on te le sorte tout de suite ! Alors qu'il fallait attendre, parce qu'il y a toujours des délais dans le milieu hospitalier, ce qui est normal mais tu n'as qu'une envie c'est qu'on te l'enlève !"