De Hulot à Wauquiez, comment BFMTV est devenu un média de déminage pour politiques en perdition

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R.Da. , modifié à
Invitée d'Europe 1, la journaliste Ruth Elkrief explique pourquoi les responsables politiques visés par des affaires choisissent désormais les plateaux de la chaîne d'information en continue, plutôt que le 20 heures, pour y dérouler leur communication de crise.
INTERVIEW

Les politiques dans la tourmente y accourent pour tenter de sauver la face. De Nicolas Hulot à Laurent Wauquiez, en passant par Gérald Darmanin, les responsables poursuivis par la justice ou plus généralement sous le coup de révélations médiatiques ont défilé ces dernières semaines sur BFMTV pour s'expliquer. Une tendance nouvelle, quand autrefois ils privilégiaient la grand-messe du 20 heures, sur TF1 ou sur une chaîne publique, pour s'adresser au plus grand nombre de Français.

Une force d'impact qui s'inscrit dans la durée

Le traitement spécifique réservé à l'information sur la chaîne pourrait expliquer en partie cet engouement. "BFMTV est devenu le lieu où l'on sait que l'on va être écouté, interrogé, interviewé, que l'on va en discuter et puis, surtout, que l'audience sera au rendez-vous", justifie dans Village médias sur Europe 1 Ruth Elkrief, qui anime du lundi au jeudi l'émission 19h Ruth Elkrief sur la chaîne d'information. "Quand on a un invité de cet importance, il y a, avant et après l'interview, une bonne partie d'explications, d'annonces, de mises en perspective qui font que le traitement de l'invité est intéressant", explique-t-elle.

Si l'audience des programmes de BFMTV n'atteint pas les chiffres d'un 20 heures sur une grande chaîne généraliste, la force de frappe du média s'inscrit dans un temps plus long, fait également valoir Ruth Elkrief. "On parle d'audience cumulée, elle n'est pas seulement dans l'instant T mais dans la journée qui précède et qui suit. C'est un ensemble, une forme d'impact et d'effet. Dans ces cas-là, quand quelqu’un vient parler à BFMTV, se trouve dans une forme de communication de crise, on est l'un des médias qui va avoir le plus d'importance. Pourquoi ? Parce que beaucoup de Français se disent que quand il y a une information forte, il faut aller sur BFMTV, ils savent que c'est chez nous que ça se passe", assure la journaliste.

Un porte-voix ou une interview sans concession ? 

Mardi, Ruth Elkrief interviewait Laurent Wauquiez, venu s'expliquer sur la diffusion de propos tenus devant des étudiants lyonnais, après quatre jours de silence et de polémique. "On a le temps. J'ai fait 34 minutes d'interview, ce qui n'aurait pas été le cas sur le plateau d'un 20 heures", souligne-t-elle. "Marine Le Pen, qui n'est pas en communication de crise, mais qui est quand même dans une situation un peu délicate, sera dimanche chez Apolline de Malherbe", souffle-t-elle. "Sur BFMTV, quand il y a quelque chose d'important à dire, c'est le lieu".

Cette tendance des politiques à privilégier la chaîne d'information en continue pour se défendre des rumeurs et des accusations a été inaugurée par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Le candidat d'En Marche! était venu répondre au micro de Jean-Jacques Bourdin aux rumeurs de comptes cachés. C'est encore Emmanuel Macron qui a conseillé à Nicolas Hulot de venir s'expliquer sur BFMTV, à la veille des révélations d'Ebdo sur une plainte pour viol. Cette initiative interroge aussi l'indépendance de la chaîne vis-à-vis de ceux qui s'y invitent pour communiquer, sans avoir nécessairement été sollicités. "Tout dépend de la manière dont on l'interviewe", balaye Ruth Elkrief. "Il s'agit de ne pas être complaisant […]. Ça n'est pas parce qu'ils choisissent de venir chez vous que vous changez de méthode de travail et que vous remerciez la personne d'être venue. Vous faites votre job. Ils viennent aussi pour ça, parce qu'ils savent qu'ils seront interrogés sans connivence et sans complaisance. Pour autant, ça n'est pas un tribunal. C'est une recherche d'explication", assure-t-elle.