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Jean-Rémi Baudot, édité par Rémi Duchemin , modifié à
Vingt-sept ans après le génocide, le président de la République est au Rwanda, jeudi, pour marquer la réconciliation entre Paris et Kigali. Un récent rapport a pointé la responsabilité de la France dans les massacres, mais Emmanuel Macron n’a pas prévu de demander officiellement pardon. Mais il va devoir trouver les mots justes à destination d’un pays forcément encore traumatisé.

Emmanuel Macron est arrivé jeudi matin au Rwanda. Le chef de l’Etat doit prononcer à Kigali un discours annoncé comme historique, 27 ans après le génocide des Tutsis par les Hutus, et alors que la responsabilité de la France a récemment été pointée du doigt dans un rapport. Si l’Elysée refuse de confirmer la forme qui sera employée par le président de la République, il ne devrait pas y avoir de pardon officiel. "Nous espérons trouver les mots justes", explique simplement un conseiller présidentiel.

"Je garde cette image des gens avec des machettes qui acclament l’armée française"

Ces mots seront aussi à destination des rescapés du génocide, qui attendent beaucoup du discours d’Emmanuel Macron. "Demander pardon, ça ne va pas ramener nos morts", convient Pierre Kalinganiré, 16 ans en 1994 et rescapé miraculeux des massacres. "Mais c’est au moins reconnaitre - alors que François Mitterrand disait que le génocide au Rwanda ne voulait rien dire - qu’on est égaux."

Par le passé, le ressentiment à l’égard des Français a pu être grand. Le travail réalisé depuis plusieurs années entre Paris et Kigali apaise les tensions, mais les souvenirs sont encore vifs. "Les génocidaires ont fait la fête quand l’armée française est arrivée. Je garde cette image des gens avec des machettes qui acclament l’armée française", reprend Pierre Kalinganiré. "Comment voulez-vous que cette image disparaisse sans qu’un responsable politique français dise : ‘cette France n’existe plus’ ?"

"Les Rwandais reconnaissent le courage politique de regarder l'histoire en face"

C’est donc ce message qu’Emmanuel Macron doit porter. "Le Président ne fait pas 6.000 km en pleine pandémie juste pour se recueillir. Il a vraiment l’opportunité d’écrire l’histoire", rassure un membre de la délégation qui accompagnera chef de l’Etat. Hervé Berville, député des Côtes d’Armor né au Rwanda, est confiant. "Les Rwandais constatent que dans la démarche du président de la République, il y a une sincérité, un pas supplémentaire franchi", assure l’élu sur Europe 1, qui fait partie de la délégation française.

"Ils reconnaissent le courage politique de regarder l'histoire en face, et de faire en sorte d'avancer ensemble, de tourner une nouvelle page. Et, au fond, de travailler sur les sujets d'intérêt commun qui sont nombreux", insiste Hervé Berville.

"L’occasion de ringardiser la droite et la gauche française"

L’enjeu est d’autant plus grand que cette question rwandaise dépasse largement la seule histoire entre Paris et Kigali. Sur tout le continent, l’attitude de la France, sa responsabilité "lourde et accablante", pour reprendre les mots du rapport Duclert, a laissé des traces. Alors l’Elysée aimerait envoyer un signal en Afrique.

Sur la scène française, enfin, des excuses au Rwanda provoqueraient évidemment un tollé. Mais elles viendraient bousculer 27 ans d’embarras et de non-dits. "Ce serait l’occasion de ringardiser la droite et la gauche française qui ont une part de responsabilité dans ce qui est arrivé", théorise un macroniste.