D'un côté comme de l'autre, le rendez-vous est préparé. Mercredi, à 21h précises, Nicolas Sarkozy et François Hollande seront face à face, sur TF1 et France 2, pour le traditionnel débat télévisé d'entre-deux-tours. L'entourage des deux finalistes a veillé à ménager leur champion, le jour J. "Ce jour-là, tu réfléchis et tu te concentres", a confié Franck Louvrier, le directeur de communication de Nicolas Sarkozy, au JDD. L'emploi du temps de François Hollande a, lui aussi, été allégé, avec des plages aménagées, pour se concentrer sur le débat.
Les deux finalistes s'inspireront peut-être des débats passés pour définir leur stratégie, choisir leur angle d'attaque, etc. Avec l'aide de Christian Delporte, historien des médias*, Europe1.fr passe en revue les cinq règles d'or de tout débat d''entre-deux-tours.
AU MOINDRE PETIT DÉTAIL, TU VEILLERAS
En amont, tout ou presque est négocié par les représentants des deux candidats. De la hauteur des sièges, à la forme de la table, en passant par la climatisation. En 2007, par exemple, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal étaient en désaccord sur ce point. "Nicolas Sarkozy, qui transpire beaucoup, voulait qu'il fasse 19 dans le studio, Ségolène Royal, 21. Ils se sont mis d'accord sur 20 degrés", raconte Christian Delporte. En 1988, le conseiller de François Mitterrand, Serge Moati, posa comme préalable à la tenue d'un débat, une table mesurant 1m70. Exactement la distance qui séparait le Premier ministre Jacques Chirac et le président François Mitterrand quand ce dernier le recevait dans son bureau à l'Elysée. "C'était une manière pour Mitterrand de prendre l'ascendant sur Chirac dès les premières minutes du débat", souligne l'historien des médias.
Observez la distance entre Chirac et Mitterrand, en 1988 :
Cette fois-ci, la température ambiante n'a pas posé de problème puisqu'un climatiseur particulier sera installé pour chaque candidat, qui pourra le régler à sa convenance. Quant à la table, elle mesurera 2,50 m contre 2,20 m en 2007. Le choix du réalisateur a en revanche été âprement discuté entre les deux camps, Jérôme Revon, finalement accepté par le camp Hollande, étant jugé proche de Nicolas Sarkozy. Pour satisfaire tout le monde, il a été convenu qu'il serait assisté par deux réalisateurs, choisis par chaque candidat. Tristan Carné, réalisateur entre autres de The Voice représentera François Hollande. Yves Barbara, réalisateur de Thalassa, Nicolas Sarkozy.
UNE STRATÉGIE, TU DÉFINIRAS
"Il faut avoir une seule stratégie et s'y tenir tout au long du débat. Le piège, c'est de se laisser entraîner par la tactique de son adversaire", estime Christian Delporte. Chaque débat d'entre-deux-tours comprend un favori et un challenger. "C'est toujours un match", résume l'historien des médias. Dans le rôle du favori en 2012, François Hollande. "Le candidat socialiste a tout intérêt à apaiser le débat, à faire de sa victoire, le 6 mai prochain, une évidence. Quelque part, il doit démontrer qu'il est déjà le président", analyse Christian Delporte. "C'est ce qu'a réussi à faire François Mitterrand face au président sortant Valéry Giscard d'Estaing en 1981", souligne l'expert. A l'inverse, Nicolas Sarkozy joue son va-tout avec ce débat. "Il va montrer de la combativité, de la pugnacité, au risque de paraître agressif", pronostique l'historien des médias.
LA PETITE PHRASE, TU DÉCOCHERAS
Elles sont devenues cultes. Du "monopole du cœur", à "l'homme du passif", jusqu'au "regardez-moi les yeux dans les yeux", les petites phrases constituent un exercice incontournable dans tout débat d'entre-deux-tours. Leur principal intérêt ? Elles marquent les esprits et peuvent faire basculer le cours d'un débat. N'en déplaise à François Hollande qui assurait, dimanche, sur France 2, que ces formules étaient "parfois improvisées", les petites phrases seraient, au contraire, toujours minutieusement préparées, en amont du débat. "Les formules sont trouvées en équipe", précise Christian Delporte. A charge pour le candidat de "dégainer" au moment où il le jugera le plus opportun.
En 1974, VGE attaque Mitterrand :
En 1988, Mitterrand appelle Chirac par "M. le Premier ministre" :
DÉSTABILISER TON ADVERSAIRE, TU CHERCHERAS
A ce petit jeu, la palme revient sans doute ex aequo à Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand. En 1974, VGE n'hésite pas à déstabiliser son adversaire en employant la menace d'une divulgation de sa vie privée. Au cours du débat, VGE revient sur les résultats du premier tour de la présidentielle à Clermont-Ferrand, "une ville que vous connaissez et qui vous connaît bien", précise t-il à François Mitterrand. Manière pour VGE, de faire allusion à la liaison de François Mitterrand avec Anne Pingeot, la mère de Mazarine, qui habite la ville.
Sept ans plus tard, en 1981, François Mitterrand tiendra sa revanche. A peine installé sur sa chaise, le candidat socialiste dépose sur la table un dossier intitulé "Affaire des diamants", en référence aux diamants de Bokassa qui ont empoisonné la campagne de Valéry Giscard d'Estaing. En réalité, la pochette ne contient aucun document. "François Mitterrand a joué avec maestria, tapotant de l'index droit cette chemise supposée contenir de terribles révélations", a confié Serge Moati à Sud-Ouest.
LA PORTÉE DU DÉBAT, TU RELATIVISERAS
Passage obligé de la course à l'Élysée, le débat télévisé d'entre-deux tours n'en est pas pour autant décisif et a pour principal effet de confirmer des tendances préexistantes. "Cela ne modifie pas les rapports de force. Devant son écran, le téléspectateur confirme son candidat, se mobilise derrière lui, mais ne choisit pas", assure Christian Delporte. "Un tel débat peut être décisif lorsque les jeux sont proches de 50-50. Si on est celui qui semble gagner le débat, on peut à la marge gagner un point. Mais ça ne sert pas à grand-chose quand il y a déjà un écart très important", souligne le politologue Roland Cayrol à l'AFP. Le duel de mercredi entre Nicolas Sarkozy et François Hollande n'aurait ainsi qu'une incidence limitée sur le verdict des urnes, dimanche.