Emmanuel Macron a défendu avec force sa politique économique jeudi dans une usine Renault près de Maubeuge, où un ouvrier protestataire, hué par les autres, lui a crié qu'il n'était "pas le bienvenu". Cette usine est l'une des étapes du périple du chef de l'Etat autour de la commémoration de la guerre de 14-18. Sur le papier, la visite de cette usine de Kangoo de laquelle sort une voiture toutes les minutes aurait dû être parfaite. Une visite en compagnie du PDG du groupe, Carlos Ghosn, et qui a donné lieu à d'importantes annonces : une nouvelle tranche d'investissements de 400 millions d'euros pour produire deux nouveaux véhicules utilitaires Nissan et Mitsubishi, et à la clé quelque 200 emplois. Sauf qu'une visite du président n'est jamais un exercice sans risque.
"Vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre". S'adressant au personnel de l'usine, le chef de l'Etat a eu la surprise de se faire prendre à partie par un syndicaliste de SUD. S'en est suivi un échange vif, où le président l'a accusé de "caricaturer" sa politique et d'être "ridicule". S'adressant à son opposant, il a défendu ses choix d'aider "ceux qui investissent" et s'est emporté contre ceux qui "caricaturent" sa politique. "Monsieur Macron, vous n'êtes pas le bienvenu ici. Monsieur Ghosn se donne du mal. Mais avec l'augmentation de l'essence vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre", lui a crié l'homme, Samuel Beauvois, qui a précisé travailler chez Renault depuis près de 25 ans.
"Vous n'êtes pas le bienvenu", lance un syndicaliste à Emmanuel Macron, en visite à l'usine Renault de Maubeugehttps://t.co/Ixw9r82nyTpic.twitter.com/UYDiVife9A
— franceinfo (@franceinfo) 8 novembre 2018
La réponse du président. "Si vous êtes venu faire un meeting politique c'est autre chose", a répliqué le président, d'une voix amplifiée par son micro. "On est là tous ensemble pour réussir". "On réussit sans vous", a rétorqué le syndicaliste, sifflé par nombre de ses collègues qui ont applaudi le président. "Je veux expliquer pourquoi je suis là, cet engagement..." "C'est pas grâce à vous", l'a coupé son interlocuteur. "Là vous êtes ridicule, pardon de vous le dire", s'est énervé le chef de l'État. "Cher Monsieur, j'ai la conviction qu'on ne retrouve la dignité que par le travail. Les cotisations ont baissé, c'est le gouvernement. La taxe d'habitation qui baisse, c'est le gouvernement", a-t-il martelé, à nouveau applaudi par la grande majorité de l'assistance. "Je vous le dis, cette politique est cohérente par rapport à ce que vous êtes en train de dire... mais je vois que vous n'êtes pas intéressé par ma réponse", a-t-il ajouté, devant les protestations de l'homme qui a lancé une critique sur les "premiers de cordée". Il l'a alors accusé de vouloir "faire son show".
"Vive la République, vive la France". "J'entends toutes les caricatures depuis un an et demi, 'vous aidez les uns, pas les autres'. Mais si on ne baisse pas la fiscalité sur le capital, on ne peut pas recréer d'emploi. Il faut réconcilier le travail et le capital, simplifier les règles du travail. C'est le choix fait il y a un an et demi, pour sortir des rigidités françaises qui nous ont coûté", a-t-il poursuivi. "Je crois dans le mérite, le travail, vive la République, vive la France", a lancé le président, comme dans un meeting. Par la suite, Samuel Beauvois a pu passer quarante minutes en tête à tête avec le chef de l'Etat. Ce dernier lui aurait redit son intention de mettre en place une aide à l'attention des salariés contraints par la voiture, de manière à compenser la hausse des prix des carburants, a rapporté le syndicaliste à Europe 1.
L'impatience des Français. Les autres salariés ont été nombreux à critiquer l'intervention de leur collègue. "Il faut pouvoir exprimer son mécontentement, mais pas à des moments malvenus, pas en apostrophant le président alors que Monsieur Ghosn annonçait des investissements", a résumé un ouvrier syndiqué à la CFE-CGC. En réalité, cette visite ressemble à cette semaine d'itinérance ; de belles cartes postales présidentielles écornées par la gronde sociale qui monte sur le terrain, notamment sur le pouvoir d'achat. De quoi permettre au chef de l'Etat de mesurer très directement l'impatience des Français face à sa politique.