C’est une plaie toujours à vif. Cinquante-quatre ans après, la guerre d’Algérie continue de diviser la classe politique française. La polémique sur la commémoration samedi 19 mars des accords d’Evian qui ont mis fin à la guerre en est l’illustration parfaite. Pour la première fois un président de la République décide d’y participer. François Hollande va notamment prononcer un discours devant le mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, situé au Quai Branly. Une participation qui a provoqué l’ire d’une partie de la droite et du FN.
Nicolas Sarkozy donne le ton, la droite lui emboîte le pas. C’est le patron des Républicains qui a dégainé le premier. Dans une tribune du Figaro, Nicolas Sarkozy attaque fort : « Choisir la date du 19 mars que certains continuent à considérer comme une défaite militaire de la France, c’est en quelques sorte adopter le point de vue des uns contre les autres, c’est considérer qu’il y a désormais un bon et un mauvais côté de l’Histoire et que la France était du mauvais côté », écrit l(ancien président.
Une large partie de la droite a ensuite embrayé le pas de l'ex-chef de l’Etat. Nombre sont ceux qui ont dénoncé « une provocation » de François Hollande, à l’instar d’Hervé Mariton et d’Eric Ciotti. Le premier, qui est aussi un pied-noir né à Alger, a parlé sur BFMTV de « provocation mémorielle », en évoquant « les harkis que la France a abandonnés et qui ont été massacrés », tandis que le second a critiqué sur France Info « une forme de provocation » qui va, « encore une fois, fracturer les Français ». Même le juppéiste et modéré Benoist Apparu n’a pas vraiment goûté à cette commémoration : « La date du 19 mars n’est pas un bon choix », a-t-il déclaré sur iTélé.
Le Front national tape fort contre Hollande. Au Front national, le ton est encore plus virulent. « Le socle idéologique du FN vient de la guerre d’Algérie », explique l’écrivain français Alexis Jenni dans une interview à L’Obs. Marine Le Pen a ainsi violemment attaqué François Hollande dans un communiqué, l’accusant de « violer la mémoire des anciens combattants, harkis et rapatriés morts pour la France lors du conflit algérien ». « Parce qu’il est le Président de tous les Français, le président de la République ne devrait pas participer à cette commémoration du déshonneur », affirme-t-elle.
De son côté, le numéro deux du parti Florian Philippot a lui estimé qu’il fallait « arrêter la repentance » sur RFI. « Il faut que nous sortions d’une vision de l’histoire où la France serait toujours du côté des mauvais ou des perdants », a-t-il ajouté.
La gauche attaque Sarkozy. La gauche a elle répliqué en concentrant ses attaques contre Nicolas Sarkozy. « Nicolas Sarkozy rejoue la bataille d’Alger ! Il est temps, voire urgent de de tourner la page », écrit sur Twitter le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. « Nicolas Sarkozy essaye de nous faire le retour des guerres coloniales », critique auprès d’Europe 1 le député socialiste Patrick Mennuci et président du groupe France-Algérie à l’Assemblée nationale. « Nicolas Sarkozy rouvre des plaies », regrette pour sa part le patron des députés socialistes Bruno Le Roux. Invité de Sud Radio et Public Sénat, celui-ci a rappelé qu’en 2012 le Sénat avait adopté une proposition de loi socialiste pour consacrer le 19 mars 1962 comme journée nationale du souvenir des « victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie ».
.@NicolasSarkozy rejoue la bataille d'Alger ! Il est temps, voire urgent de tourner la page.
— Jean-Chr. Cambadélis (@jccambadelis) March 17, 2016
Certains membres du gouvernement sont aussi montés au créneau. « Je ne comprends pas qu’un ancien président puisse, pour des raisons politiciennes, raviver la guerre des mémoires », a ainsi dénoncé le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants Jean-Marc Todeschini. Pour ce dernier, le 19 mars, « c’est simplement la reconnaissance des souffrances qui ont pu être endurées par toute une série de personnes différentes ». De son côté, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a lui appelé Nicolas Sarkozy au « dépassement des passions ». Au vu des prises de position des chacun, peu de chance que sa requête soit entendue.