Les premières difficultés ne sont pas venues de là où on les attendait. En faisant le choix de procéder par ordonnances pour réformer le code du travail, Emmanuel Macron avait bien conscience de s'exposer, dès ses premiers mois à l'Élysée, à un risque de grogne sociale. Finalement, si des syndicats et des mouvements politiques ont bel et bien programmé des manifestations à la rentrée, si la France Insoumise est montée au créneau à l'Assemblée, ce n'est pas cela qui a déclenché la première crise du quinquennat. Celle-ci est née du côté de l'armée.
Un front du côté de la Défense. L'annonce de coupes conséquentes (850 millions d'euros) dans le budget 2017 de la Défense a mis le feu aux poudres. Le chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers, s'est fendu d'une critique publique qui lui a attiré les foudres d'Emmanuel Macron. Après une semaine de bras de fer et de poignées de main glaciales entre les deux hommes, le général de Villiers a annoncé, mercredi, sa démission. Il a finalement été remplacé dans la foulée par le général François Lecointre. Cette crise risque d'entacher durablement les relations entre le chef de l'État et les armées, mais ce n'est pas la seule difficulté à l'horizon pour l'Éysée.
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Une crise dans l'enseignement supérieur. Une autre se profile du côté de l'enseignement supérieur et de la recherche. Là encore, les serrages de vis, à hauteur de 331 millions d'euros pour 2017, passent très mal, et le principal syndicat des personnels, le SGEN-CFDT, les a jugés "inacceptables". D'abord parce qu'ils vont à l'encontre des engagements du candidat Macron, qui avait promis de "sanctuariser" le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ensuite parce que l'annonce tombe au même moment que le cafouillage de la plateforme Admission Post Bac (APB). Le fait que 87.000 bacheliers se retrouvent sans affectation a jeté une lumière crue sur le manque de places dans les établissements supérieurs, notamment l'université. Un problème dont l'exécutif a promis de s'occuper pour la rentrée prochaine, mais qui paraît difficile à concilier avec une baisse de dotations.
Des difficultés avec les collectivités. Troisième foyer de crise pour Emmanuel Macron : celui des collectivités locales. Déjà très inquiètes par sa promesse de campagne d'exonérer 80% des foyers de la taxe d'habitation, celles-ci n'ont pas franchement été rassurées par les précisions données par l'exécutif lundi, lors d'une conférence nationale des territoires. Le président et son ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, ont annoncé coup sur coup qu'il leur faudrait réaliser 13 milliards d'euros d'économies d'ici à 2022, soit trois de plus que prévu, et que le nombre d'élus locaux allait baisser. "L'aménagement du territoire ne peut se réfléchir à partir d'une ligne comptable", s'est agacée Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie, tandis que Philippe Laurent, secrétaire général de l'Association des maires de France, a confié au Point avoir eu "l'impression de s'être fait avoir".
Critiques au sein de la classe politique. À chaque fois, les choix faits par l'Élysée agacent les acteurs du secteur concerné : militaires, chercheurs, ou encore syndicats de l'enseignement. Mais une partie de la classe politique, elle aussi, réagit vivement. Après la démission du général Pierre de Villiers, la droite comme la gauche ont salué le militaire et vilipendé l'attitude d'Emmanuel Macron. "Irresponsabilité totale", "arrogance", "incompétence", "président qui désarme le cœur régalien de l'État"… les critiques ont fusé. Et sont même parfois venues, quoi que moins violemment, des rangs de la majorité. Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la défense à l'Assemblée nationale, a "regretté" le tour de vis demandé aux armées.
Le général de Villiers agit en homme d'honneur, face à un président qui désarme le coeur régalien de l'Etat.
— Guillaume Larrivé (@GLarrive) 19 juillet 2017
Les députés LR et UDI qui ont formé le groupe des Constructifs ont, eux aussi, lâché le gouvernement sur la question des collectivités locales. Franck Riester, co-président du groupe, a ainsi déclaré au Figaro mercredi que l'objectif des 13 milliards d'euros d'économies était "très difficile, voire impossible à atteindre".
Macron rassure (et retient) ses troupes. Après l'élan donné par sa large victoire à la présidentielle puis celle de son mouvement aux législatives, Emmanuel Macron est donc confronté aux premières difficultés de politique intérieure. Ce n'est pas un hasard si le président a rendu une visite surprise, mardi, à sa majorité, pour tenter à la fois de la rassurer et de resserrer ses rangs. Dans une vidéo publiée mardi par BFM TV, on voit le chef de l'État encourager ses troupes à "garder cette culture du respect mutuel et du travail avec le gouvernement", à "partager une philosophie et une volonté communes".
La loyauté des députés sera d'autant plus importante pour Emmanuel Macron que si l'été s'annonce compliqué, il ne sera pas question de souffler à la rentrée. Les syndicats reprendront alors une activité normale et déclencheront de nouvelles actions contre la réforme du code du travail. La CGT et Force Ouvrière ont d'ores et déjà appelé à manifester, soutenues par Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste.