Les auditions des commissions d'enquête parlementaires se poursuivent, une semaine après la révélation de l'affaire Benalla. Jeudi matin, les sénateurs entendaient un homme de l'ombre de la présidence, dont le témoignage est pourtant capital : Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée, parfois présenté comme le "frère jumeau" d'Emmanuel Macron. Ce dernier est revenu sur les missions d'Alexandre Benalla à l'Elysée, mais aussi sur sa mission de réorganisation de la présidence.
Les informations à retenir :
- Alexis Kohler était entendu par la commission d'enquête du Sénat, jeudi matin
- Il a reconnu que la suspension d'Alexandre Benalla début mai pouvait aujourd'hui sembler "insuffisante"
- Avant les faits, aucun "incident" ni "comportement déplacé" impliquant le collaborateur ne lui avait été signalé, a-t-il affirmé
Des faits "choquants" et une sanction "totalement appropriée". "J'ai passé l'après-midi du 1er mai dernier à mon bureau", a déclaré le secrétaire général devant les sénateurs, affirmant n'avoir appris l'existence de la vidéo impliquant Alexandre Benalla que le lendemain. "Le directeur de cabinet m'indique alors qu'il a d'ores et déjà convoqué l'intéressé, qui a reconnu les faits", a-t-il raconté évoquant "une interpellation certes musclée, mais qui ne montre pas de coups violents."
Après s'être assuré que le ministère de l'Intérieur et la préfecture de police étaient également informés des faits, Alexis Kohler dit avoir appris qu'Alexandre Benalla allait être mis à pied 15 jours. "Le directeur du cabinet m'informe de son intention d'appliquer une sanction disciplinaire sans délai, ce qui paraît totalement approprié. Compte tenu des éléments portés à notre connaissance à ce moment là, la sanction apparait proportionnée", a expliqué le secrétaire général. "Il n'y a eu aucun doute au sein de la présidence de la République sur le fait que ces faits étaient choquants et constituaient une faute."
"Pas de vigiles privés pour assurer la sécurité" de Macron. "Je conçois qu'aujourd'hui, à la lumière des faits connus depuis lors, la sanction peut apparaître insuffisante", a reconnu Alexis Kohler. "Mais symétriquement, au regard des éléments connus le 2 mai, cette sanction était proportionnée." Quid de l'article 40, qui prévoit que tout officier public doit prévenir le parquet d'un crime ou délit dont il a connaissance ? "Je n'avais pas d'éléments qui me permettaient de penser qu'une saisine au titre de l'article 40 serait justifiée", a répondu Alexis Kohler.
Alexis #Kohler : "En tout état de cause, il n'y a pas d'autre membres que les membres du GSPR et du commandement militaire qui assurent la sécurité du président de la République, et certainement pas des vigiles privés" #DirectSénat#AuditionKohlerpic.twitter.com/AxxKmk0AF1
— Public Sénat (@publicsenat) 26 juillet 2018
Après l'éclatement de l'affaire, Alexis Kohler s'est aussi vu confier une mission d'analyse des dysfonctionnements des services de l'Elysée, et de propositions de pistes de réorganisation. Dès son propos liminaire devant le Sénat, le secrétaire général a tenu à revenir sur les affirmations de certains syndicats de police, selon lesquelles des "barbouzes" étaient chargés de la protection d'Emmanuel Macron à l'Elysée, sous la direction d'Alexandre Benalla. "Il n'existe pas à l'Elysée de police parallèle", a-t-il martelé. "Nous n'employons pas de vigiles privés pour assurer la sécurité du chef de l'Etat." Le secrétaire général a cependant reconnu que "des éléments" issus des différentes enquêtes ouvertes dans cette affaire "devront être pris en compte dans l'organisation future des services qui concourent à la sécurité du président de la République".
Benalla "pas pressenti pour occuper un poste de responsabilité". Quelle était alors la mission d'Alexandre Benalla ? "Il était chargé de mission auprès de la chefferie de cabinet", elle-même chargée "d'organiser les déplacements, l'agenda" du chef de l'Etat, a répondu Alexis Kohler. "La sécurité du président de la République est toujours assurée par le commandement militaire ou le GSPR (groupe de sécurité de la présidence de la République, ndlr). Ces services sont exclusivement composés de personnels qui relèvent soit de la police soit de la gendarmerie. Alexandre Benalla (...) n'avait pas de responsabilités les concernant, il n'était pas pressenti pour occuper un poste de responsabilité concernant ces services."
Le secrétaire général a en revanche tenu à rappeler les "qualités unanimement reconnues d'organisateur" d'Alexandre Benalla, évoquant un recrutement "jugé légitime et utile". "À aucun moment je n'ai été informé du moindre incident ou comportement déplacé" avant le 2 mai, a-t-il affirmé. "Je n'ai eu que des retours positifs sur le travail, l'engagement, le dévouement de monsieur Benalla. Je crois pouvoir vous dire qu'il était très apprécié de ses collègues." Et d'ajouter : "c'était quelqu'un qui était très engagé, extrêmement dévoué, extrêmement disponible. Quelqu'un qui avait un profil différent de ceux que l'on rencontre fréquemment dans les couloirs de l'Elysée. C'est important que les services de la République soient à l'image de notre pays."
Le refus d'un "procès politique". Finalement interrogé sur la prise de parole d'Emmanuel Macron devant les élus LREM, mardi, et notamment sa formule "qu'ils viennent me chercher", Alexis Kohler a estimé que le chef de l'Etat s'adressait à "tous ceux qui saisissent cette affaire pour faire un procès politique". "Le président est irresponsable de part son statut dans la Constitution, mais il est responsable devant les Français", a-t-il conclu.