Le ton avait été donné, dimanche soir, par Alain Juppé. Devant un parterre de militants, alors qu'il devait digérer une décevante deuxième place au premier tour de la primaire de la droite, le maire de Bordeaux avait promis une campagne d'entre-deux tours "projet contre projet". Pas d'attaques personnelles, pas de coups bas. Pourtant, cela n'a pas empêché la bataille de se durcir brusquement entre lundi soir et mardi matin.
Acte 1 : Juppé à l'offensive sur France 2
Lundi, Alain Juppé est l'invité du JT de 20h sur France 2 pendant que François Fillon se trouve dans la même position, mais sur TF1. Le maire de Bordeaux se montre offensif, attaquant son adversaire notamment sur les sujets sociétaux. "François Fillon a une vision extrêmement traditionaliste, pour ne pas dire un petit peu rétrograde sur la famille, le mariage", déclare-t-il. Sans mentionner clairement le droit à l'avortement, mais avec des sous-entendus équivoques, il appelle également son concurrent à "préciser" ses positions sur le sujet. La stratégie juppéiste est claire : pilonner le programme de François Fillon sur les thèmes sociétaux pour le peindre en réactionnaire, quand lui représente le clan des progressistes.
Au même moment, François Fillon rend coup pour coup sur TF1. Alain Juppé "est dans la caricature, dans une tentative de remonter la pente", assène-t-il.
Acte 2 : Juppé enfonce le clou
Le maire de Bordeaux en remet une couche mardi matin, sur Europe 1. "Il y a des points sur lesquels j'aimerais bien que François Fillon clarifie sa position. Par exemple, sur l'avortement. Il a commencé par dire dans son livre que c'était un droit fondamental de la femme. Et puis, il est revenu sur cette déclaration dans un débat qu'il a eu devant un certain nombre de ses supporters. Quelle est sa position ?" s'interroge-t-il. Alain Juppé rappelle aussi que son adversaire a le soutien de Sens Commun, association issue de la Manif pour tous : "c'est un mouvement politique qui a des positions extrêmement conservatrices".
Alain Juppé : "que François Fillon clarifie sa...par Europe1fr
Acte 3 : Fillon riposte avec force
Cette interpellation n'a pas plu du tout à François Fillon. Alors qu'il est en déplacement à Viry-Châtillon, dans l'Essonne, l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy répond vertement à son rival. "Cela fait trente ans que je suis parlementaire. Est-ce qu'une seule fois, j'ai pris une position contraire à l'avortement ? Jamais je n'aurais pu penser que mon ami Alain Juppé tombe aussi bas." Le favori des sondages pour le second tour appelle à ce que "la campagne reprenne sa dignité et qu'on cesse les polémiques qui sont inqualifiables et qui, franchement, abaissent le niveau."
Acte 4 : les soutiens de Fillon tirent à bout portant
Le Sarthois n'est pas seul à riposter. Ses fidèles sortent immédiatement l'artillerie lourde. "Je suis très choquée de la manière dont se déroule cette campagne", commente Valérie Boyer, porte-parole de François Fillon, mardi midi sur Europe 1. Dénonçant une attaque "vile" contre son champion, l'élue tient à prouver qu'il s'était engagé pour la cause des femmes. "Je rappelle que quand François Fillon était ministre, il a nommé des femmes à de grands ministères. C'est lui qui a fait la loi sur l'égalité des femmes dans l'entreprise. Quand il est candidat, il fait un programme pour les femmes !"
Surtout, Valérie Boyer revient sur l'épisode des "juppettes", ces ministres femmes nommées par Alain Juppé dans son premier gouvernement, en mai 1995, mais qui avaient pour la plupart été congédiées quelques moins plus tard. "Que je sache, ce n'est pas François Fillon, lorsqu'il était Premier ministre, qui a viré toutes les femmes de son gouvernement."
Pour ceux qui auraient encore quelques doutes, les choses sont désormais claires : Alain Juppé et François Fillon s'affronteront notamment sur les questions sociétales, sur lesquelles ils ont, de fait, des positions qui divergent fortement. Le débat entre les deux candidats, jeudi soir, promet de laisser une large place à ces sujets.
Acte 5 : Fillon tente de clore la polémique
Invité sur Europe 1 mercredi matin, François Fillon a décoché les dernières flèches pour tenter de clore le débat. "Catholique, oui, tradi, certainement pas, réac' certainement pas, conservateur, certainement pas", a-t-il tonné pour se positionner. "Oui, j'ai des valeurs et je ne m'en excuse pas. Je crois à la famille, à l'autorité de l'État, au travail." Sur la question spécifique du droit à l'avortement, François Fillon a rappelé que dans son livre, il avait écrit "que l'IVG est un droit pour les femmes et que personne ne reviendra dessus". "J'ai voté tous les textes qui permettaient d'améliorer l'accès de l'IVG pour les femmes. Alain Juppé se livre à des attaques basses. S'il dit cela, c'est pour faire planer un doute et je trouve ça inqualifiable", a-t-il poursuivi.
- Au fait, qu'a dit François Fillon sur l'avortement ?
Le 22 juin à Aubergenville (Yvelines) lors d'une réunion publique, François Fillon déclarait : "J'ai écrit (dans mon livre) que l'avortement était un droit fondamental. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire, c'est que c'est un droit sur lequel personne ne reviendra. Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l'avortement." Le 20 octobre sur France 2, interrogé sur le sujet, il répondait : "Je n'ai pas à m'expliquer sur mes convictions religieuses. Je suis capable de faire une différence entre ces convictions et l'intérêt général (...). Bien sûr que non" il n'est pas favorable à une interdiction de l'avortement.