Le Conseil de l'Europe est inquiet. Selon son commissaire aux droits de l'Homme, l'état d'urgence instauré en France après les attentats djihadistes du 13 novembre donne lieu à des "dérives" et présente un "risque" pour la démocratie.
Profilage ethnique. "Nous regardons de très près ce qui se passe" en France, car "il y a un risque que le système de contrôle démocratique soit sapé par ces mesures", qui permettent notamment aux policiers de procéder à des perquisitions sur décision du pouvoir exécutif, et non plus d'un juge, a affirmé Nils Muiznieks dans une interview à la radio France Culture, mardi. "Nous assistons à certaines dérives, il y a des pratiques de profilage ethnique de la part des agents de police, des forces de répression", a dénoncé le spécialiste européen.
" Nous assistons à certaines dérives, il y a des pratiques de profilage ethnique de la part des agents de police, des forces de répression "
L'inverse de l'effet escompté. Dans le cadre de l'état d'urgence, les forces de l'ordre ont procédé à des milliers de perquisitions mais "seule une poignée d'entre elles auraient donné lieu à des procédures liées à des actes terroristes", a déploré Nils Muiznieks, spécialiste de la lutte contre le racisme, ce qui pose "la question de la nécessité de ces mesures".
Hormis la France, de nombreux autres pays européens "ont cette volonté d'adopter des lois de surveillance beaucoup plus poussées. C'est une tendance qui va en se généralisant", a convenu le commissaire aux droits de l'Homme. Dans ce domaine, "on réagit très vite et on se débarrasse assez vite des garanties qui existent en matière de droits de l'Homme, car on estime qu'elles ne sont pas utiles dans la lutte antiterroriste. Or, c'est une démarche qui sert la cause du terrorisme, en ce qu'elle confirme que tout le monde n'est pas égal, en ce qu'elle promeut la stigmatisation de certaines communautés", a-t-il dit.
De nombreuses questions de droit. Le président François Hollande a proposé que l'état d'urgence soit à l'avenir inscrit dans la Constitution, mais "c'est ce qui se passe à l'heure actuelle, qui soulève de nombreuses questions", selon Nils Muiznieks. Le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, qui agit de manière indépendante, a en particulier pour mission de "déceler d'éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique en matière de droits de l'Homme" dans les 47 Etats membres de l'organisation paneuropéenne.