Tandis qu’ils reculaient sur le casier judiciaire vierge, les députés ont ajouté jeudi au projet de loi sur la moralisation de la vie publique un amendement prévoyant l’inéligibilité en cas de condamnation pour injures racistes, sexistes ou homophobe. Les associations antiracistes ont salué une "une avancée historique". Enfin, une mesure qui allait faire consensus ! En effet, à première vue, on est tenté d’applaudir. Et pourtant, la mesure interroge. Des voix s’élèvent pour dénoncer une dérive orwelienne. Cet amendement servira-t-il à combattre les vrais racistes ou à criminaliser une inquiétude légitime ? Sous prétexte de moralisation, bafoue-t-on la liberté d’expression ?
La traque au dérapage ? La politique, c’est un monde de brutes. Elle n’est pas pratiquée par des enfants de chœur, mais par des tontons flingueurs. Les associations et les juges risquent fort d'être instrumentalisés pour faire taire des adversaires. La traque au dérapage pourra dès lors primer sur le débat et les questions de fond. L’instauration d’une chape de plomb peut même avoir des effets paradoxaux. Il faut retenir la leçon de l’élection américaine. Pour beaucoup d’observateurs, Trump est la créature du politiquement correct, l'enfant des années Obama. Ceux qui ont voté pour lui ne l’ont pas fait seulement pour ses idées, mais aussi parce qu’il est devenu une véritable icône blasphématoire.
Un risque de musellement du débat public ? En France, beaucoup d’intellectuels s’inquiètent déjà du musellement du débat public par un antiracisme devenu fou. On se souvient des mots forts de Pascal Bruckner, traîné en justice par les Indigènes de la République pour islamophobie avant d’être relaxé : "La novlangue juridique finit par être une entrave à la liberté d'expression et même de penser", écrit-il. "De grandes oreilles nous écoutent et guettent le lapsus ou le mot malheureux qui peut précipiter un honnête homme dans l'enfer."