Chaque semaine, Europe1.fr vous propose un regard décalé sur l'actualité politique de la semaine, dans l'objectif d'un photographe de l'AFP.
Immersion totale. Lieu inconnu et horaire flou. La seule chose que Fred Tanneau sait en ce mardi, c’est qu’il doit couvrir la visite que rend le chef de l’État à l’équipage du Terrible, un sous-marin nucléaire lanceur d'engins. Depuis son départ de Brest jusqu’aux consignes de confidentialité qui lui ont été données, en passant par le baptême inattendu d’Emmanuel Macron, le photographe de l’AFP raconte les coulisses de ce déplacement sensible.
- Choisir le lieu
Lundi, j’embarque à la base navale de Brest à bord d'un hélicoptère Caïman, en compagnie d’un caméraman de France 2. C’est à l’AFP d’être de pool, c’est-à-dire qu’un journaliste ou un photographe réalise des images pour ses confrères, en raison de la trop petite taille d’un sous-marin. Aucune idée de là où nous allons, mais nous devinons que c'est relativement loin car nous mettons environ une heure pour arriver sur zone. Plus tard, nous apprendrons que le sous-marin se trouve à 300 km des côtes.
Nous sommes ensuite hélitreuillés à bord du sous-marin. L'image qui me restera, c'est celle du submersible en contrebas, en sortant de l'hélicoptère. Cette grande masse noire, sur fond de mer blanche et ridée par la puissance des pales de l'hélico. Et ces sous mariniers dans le kiosque à attendre de vous réceptionner. On pourrait croire que l’on est en plein milieu d'un film de guerre tellement c’est impressionnant !
- Décrire une ambiance
J'assiste à l'ensemble de la visite avec un officier de communication des forces sous-marines. Plus tard, on m’indiquera que la dernière partie était privative, les photos ne doivent donc pas être diffusées. Au cours de sa visite, Emmanuel Macron est invité à rencontrer l'équipage à la cafétéria. On lui remet un cadre avec une photo de lui au périscope, ainsi qu'un polo du Terrible. Un officier supérieur épingle également sur sa tenue un macaron de commandant de sous-marin. Le chef de l’État leur offre quant à lui son portrait officiel dédicacé. Enfin, Emmanuel Macron a droit, comme le veut la tradition, au baptême de sous-marinier : il doit boire un petit verre d'eau de mer salée puisé dans les profondeurs, qu’il ingurgite d'un trait.
" Macron a droit au baptême du sous-marinier : boire un petit verre d'eau de mer salée puisé dans les profondeurs "
Le président est souriant et discute avec les gradés comme avec les sous-mariniers. La photo est prise à la fin de la visite, avant qu’il ne retrouve l’équipage pour un moment de détente. Il prend alors le micro pour s'adresser à l'ensemble de l'équipage qui peut donc l'entendre dans tous les haut parleurs du sous-marin. Son discours commence par ces mots : "Bonjour, c'est Emmanuel Macron, président de la République, qui vous parle." L’ambiance est détendue mais le silence ne règne pas : il y a toujours des ordres ou des consignes qui sont donnés par téléphone.
- Réfléchir au cadrage
Un sous-marin, c’est relativement sombre. Heureusement que le photographe et le vidéaste de la Marine ont fait les choses bien en installant un éclairage d'appoint. Sans cela, ça aurait été très compliqué de réaliser ces clichés ! Il n’y a pas non plus de problème pour se déplacer à l’intérieur du sous-marin, il faut anticiper pour choisir par où passer et où se placer, mais on a une assez grande liberté. Et il n’y a pas vraiment d’urgence, tout ne se fait pas au pas de course, pour une fois ! En revanche, nous avons pour consigne de flouter toutes les bandes patronymiques des sous-mariniers afin de préserver leur anonymat. Idem pour les écrans radars et autres panneaux.
- Donner du sens à une image
Mes deux seuls regrets sont de ne pas avoir été autorisé à photographier ce fameux baptême, quand il boit l'eau de mer. Et j'aurais aimé caler avec certitude, en amont, l'hélitreuillage du président depuis l'hélicoptère. C'est quand même une image forte et peu habituelle qu'on n'a pas pu faire (mais que la communication du chef de l’État a tweeté au terme de la visite, NDLR).
Visite aux sous-mariniers du SNLE "Le Terrible". pic.twitter.com/Eu9dYmrXCO
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 4 juillet 2017