Lui s’estime victime d’un coup politique. Jean-Luc Mélenchon a très vivement réagi aux perquisitions menées chez lui et dans les locaux de la France insoumise, mardi. Devant des caméras, le candidat malheureux à la présidentielle a même tenté d’entrer de force dans son QG, alors que des policiers, en pleine intervention, lui barraient la route. "De notre point de vue, il s'agit d'une affaire politique, clairement", a notamment dénoncé sur Europe 1 la députée FI de Paris, Danièle Obono.
Catherine Champrenault, procureure générale de Paris, ne l’entend pas de cette oreille et dénonce "un coup de force" de la part du leader de La France insoumise. "Ces perquisitions ont été diligentées en pleine légalité", a- t-elle assuré samedi, au micro de Patrick Cohen dans C’est arrivé cette semaine sur Europe 1. Deux enquêtes préliminaires sont à l’origine de ces opérations, l'une sur les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon, l'autre sur des emplois fictifs présumés au Parlement européen.
Les procédures qui ont visé Jean-Luc Mélenchon et ses proches s'inscrivent-elle dans un cadre légal ?
"Mardi dernier, il y a eu une perquisition qui a défrayé la chronique et à propos de laquelle on a dit beaucoup de contre-vérités ou d’outrances. Premièrement, ces perquisitions ont été diligentées en pleine légalité. Deuxièmement, je veux apporter mon soutien public aux magistrats et aux policiers qui ont subi un coup de force et des violences verbales et physiques. [...] Les enregistrements effectués lors de cette perquisition [au siège parisien de La France insoumise, ndlr], que le responsable du parti en question a souhaité permettre alors qu’en principe ils sont interdits lors de perquisitions, témoignent qu’il y a eu un véritable coup de force et que l’on a essayé d’entraver l’action de la justice.
Pourquoi ces perquisitions ?
Ces deux enquêtes ne sont pas des enquêtes d’office, de la part du parquet et de la police, mais des enquêtes qui viennent après soit des dénonciations, soit un signalement de la Commission des comptes de campagne. À partir du moment où ces deux sources révèlent des suspicions d’infraction, il appartient au procureur de la République de les rechercher, et donc de se donner les moyens d’accéder à la vérité.
Est-ce à bon droit que les forces de l’ordre ont empêché Jean-Luc Mélenchon d’assister aux perquisitions au sein de son parti ?
Quand on fait une perquisition […], il faut que le chef de maison, c’est-à-dire l’occupant, soit présent. En l’espèce, c’était le responsable des locaux du parti. Il a accepté de se prêter à la perquisition, et tout s’est très bien passé jusqu’à l’arrivée du chef du parti. [...] Si monsieur Mélenchon était arrivé tout seul et calmement, il n’y aurait eu aucun problème pour qu’il accède aux locaux de son parti, bien évidement. Mais si vous regardez attentivement les images, monsieur Mélenchon a rameuté ses militants et des députés de son parti, et a voulu rentrer en force. […] Eu égard à cette pression physique sur la porte, on n’a pas laissé passer monsieur Mélenchon parce que l’on ne pouvait pas laisser passer le groupe.
Le dispositif policier était-il disproportionné ?
Je ne pense pas qu’il y avait une centaine de policiers [comme l’ont affirmé plusieurs membres de la France insoumise, ndlr] mais plusieurs dizaines de policiers. C’est tout à fait normal, puisqu'il y avait une quinzaine de perquisitions. […] Il y a des perquisitions dans toutes sortes d’affaires : santé publique, homicide involontaire, criminalité organisée, mais aussi dans des affaires d’urbanisme ou qui ne défrayent pas la chronique. C’est le quotidien.
[…]
À ce que je sache, quand il y avait des perquisitions de ce type dans un autre parti, Jean-Luc Mélenchon réclamait que la justice puisse faire son travail en toute indépendance. Ces dernières années, sur l’échiquier politique, il n’y a pas de mouvement, de sensibilité politique, de parti qui n’ait pas été inquiété. Il faut bien reconnaître que c’est la première fois qu’un responsable politique fait entrave à une opération de police judiciaire, et donc fait entrave à la manifestation de la vérité.
La justice a-t-elle répondu à un ordre politique, comme l’affirme Jean-Luc Mélenchon ?
Un juge a donné son autorisation pour ces perquisitions, un juge des libertés et de la détention, et il a apprécié si ces perquisitions étaient pertinentes, justifiées, proportionnées par rapport au but recherché. Il faut arrêter de dire que le magistrat du parquet n’est pas indépendant. C’est un magistrat qui est impartial, qui recherche si les infractions sont constituées, qui va enquêter à charge et à décharge, qui n’a pas d’idées préconçues et qui n’est cautionné par aucune influence extérieure. Par contre, ce qui est important, c’est que nous, justice, nous puissions faire notre travail. Quand on se réclame de la démocratie et de la République, on se réclame forcément de la séparation des pouvoirs, et forcément de l’exercice indépendant de la justice.
>> Retrouvez ici l'intégralité de l’interview de Catherine Champrenault, procureure générale de Paris
Le pouvoir politique était-il informé à l’avance de ces opérations ?
Bien entendu que non ! Je le dis avec la plus extrême fermeté et solennité. La stratégie d’une enquête doit absolument rester secrète et elle est conservée par le procureur de la République avec les enquêteurs, qui souhaitent bénéficier d’un sentiment de surprise pour obtenir les renseignements dont ils ont besoin.
N’est-il pas d’usage de faire remonter à la connaissance de la chancellerie les dossiers sensibles ?
Nous ne faisons pas remonter les stratégies d’enquête. Pas avant que ce soit arrivé. Nous faisons remonter quand les faits se sont passés, et qu’ils sont le plus souvent déjà commentés par la presse. Il est normal que le ministre de la Justice puisse accéder à une vérité judiciaire. Mais, encore une fois, le ministère n’a pas à être informé avant les opérations."