Les socialistes n'arrivent pas à trancher. Le communiqué final du bureau national est un modèle du genre : "le PS soutient les manifestations syndicales contre la loi Travail, mais n’appelle pas explicitement à manifester". La beauté d’une motion de synthèse en une seule phrase ! Le "soutien sans participation", ça vous rappelle quelque chose ? On est là au cœur des errances actuelles des socialistes : pas d'accord entre eux sur le mot d'ordre, les uns ayant déjà appelé à se joindre aux cortèges de la CGT le 12 septembre, d’autres n’excluant pas de défiler derrière Jean-Luc Mélenchon le 23 septembre, les derniers refusant catégoriquement de s’afficher à la remorque des uns ou des autres tant que l’unité n’a pas été trouvée, mais n’excluant pas de lancer leur propre journée de mobilisation.
De nombreuses interrogations, et aucune réponse claire. Certes, Les socialistes sont unanimes à vouloir exprimer leur opposition viscérale à cette loi Travail. Ils en réclament aujourd’hui le retrait, mais comment faire oublier qu'ils défendaient, il y a 6 mois encore, la loi El Khomri portée par un gouvernement auquel, cette fois, ils participaient sans que tous d’ailleurs le soutiennent. Une posture politique délicate qui n'est pas la seule à faire l'objet de contentieux entre eux. Faut-il vendre le siège pour tourner la page, et accessoirement retrouver du cash-flow ? Faut-il changer le nom du parti pour signifier son renouvellement ? Stéphane le Foll s'est empressé de lancer le débat en proposant tout de go "Socialistes". Avec un s. Une proposition ébouriffante qui lui a valu des moqueries. "Pourquoi mettre un s ? On’est plus si nombreux", a immédiatement ironisé un responsable.
Une page difficile à tourner, un positionnement impossible à trouver. En réalité, c'est leur identité que les socialistes doivent réinventer. Socialistes ? Socio-démocrates ? Socio-libéraux ? Socio-réformistes ? C'est la page du congrès d'Epinay de 1971 qu'il faut tourner. Aujourd’hui, c’est un chas d’aiguille dans lequel ils doivent se glisser entre un Macron qui a inventé l’a-socialisme, et un Mélenchon qui incarne à lui seule tout le champ de la contestation politique.
Trop de démocratie tue la démocratie. Les socialistes ont décidé de s'attaquer aux statuts du parti. À les écouter, c’est à se demander s’ils ne sont pas train de se "verdiser" à vitesse grand v. Ce syndrome du parti écolo qui longtemps a fonctionné ou dysfonctionné sur une démocratie interne tatillonne où ils passaient leur temps à voter pour savoir s'ils s'autorisaient à voter. Aujourd’hui, le PS s'en remet à ses militants, consultés le 28 septembre pour savoir s'ils doivent ou non faire évoluer leur fonctionnement interne. "Ne vous y trompez pas, c’est très politique", confie un membre du parti. Il a raison, les règles internes - faites de contributions, résolutions, motions qui se terminent en synthèse bancale depuis plus de vingt ans -, ont empêché une clarification de la ligne du PS et tout leadership incontesté de se dégager. Ce fut entre autre ce compromis boiteux qui a nourri les fractures du quinquennat précédent.
Mais ergoter sur le crochet et la petite ficelle qui permettent de tenir un cadre vide en dit long sur le désarroi d'un parti désormais sans leader naturel, sans référence historique évidente, sans héritage à assumer, sans alternative à proposer. La défaite électorale des socialistes n'est rien face au travail de reconquête doctrinale qui les attend.