L'INFO. Tout est bon pour faire parler du Front national. Lundi, le mouvement a ainsi lancé un programme vidéo de "fact-checking", ce procédé venu des Etats-Unis qui consiste à "vérifier les faits", apanage du journalisme. Un coup de communication assumé par la direction du mouvement. Florian Philippot, vice-président, assure ainsi à Europe1.fr avoir trouvé cette idée "excellente".
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"Décrypter les fausses vérités". Le concept a germé dans le cerveau de son directeur de cabinet, Joffrey Bollée. "J'ai eu l'idée en fin de semaine dernière, j'en ai parlé à Philippot et Le Pen qui m'ont tout de suite dit 'banco'. On a prévenu notre équipe vidéo et le lundi on tournait !", raconte-t-il à Europe1.fr. Objectif affiché : "décrypter les fausses vérités et arguments fallacieux utilisés contre nous". Pour Florian Philippot, qui "valide préalablement le texte" de son collaborateur, "il n'y a rien d'illogique" à voir un parti politique surveiller les médias, car "nous sommes des observateurs du monde qui nous entoure et on a des choses à dire." Mais l'eurodéputé ajoute aussitôt que "cela peut également être un fact checking sur des idées politiques, on n'est pas bloqué sur le traitement médiatique."
"Cela fait un peu amateur…" Nom de ce nouvel outil, mis en ligne sur le site officiel du FN : le Décodeur Bleu Marine, allusion implicite et assumée aux Décodeurs du Monde.fr, l'espace de vérification du quotidien du soir. "C'est un clin d'œil, il n'y a pas de raison de s'en cacher", assume Joffrey Bollée, qui a l'ambition de réaliser une vidéo par semaine, "voire plus" si l'actualité l'impose. "Le fait qu'il fasse désormais cela en vidéo - et plus sous forme de contributions écrites sur des sites 'compagnons' -, montre que le FN s'adapte à l'air du temps car c'est beaucoup plus viral", analyse Arnaud Mercier, spécialiste de la communication politique, contacté par Europe1.fr.
Du mieux, donc. Mais à vouloir aller vite, on se prête aux critiques. "Sur la forme, ils ont, à mon sens, encore pas mal de boulot. Car là, un plan fixe et de l'écho, cela fait un peu amateur…", juge Samuel Laurent, responsable des Décodeurs du Monde, joint par Europe1.fr. "On va intégrer une musique dans le générique la semaine prochaine pour faire un peu plus pro…", lui répond Joffrey Bollée.
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"Ils ont le sentiment d'être ostracisés par les médias". Rien ne de neuf pour autant dans ce dispositif. "Les républicains ont initié cela aux Etats-Unis dans les années 70 après l'affaire du Watergate", rappelle Arnaud Mercier. "Ce ne sont pas les premiers à le faire. D'autres partis politiques s'étaient essayés à l'exercice pendant les dernières élections municipales", abonde Samuel Laurent. "De leur point de vue, c'est logique car ils ont le sentiment d'être ostracisés par les médias. Donc ils n'ont rien à perdre à taper dessus. Le FN a une vision un peu complotiste du monde, sur le thème : 'les médias nous cachent des choses'", poursuit Arnaud Mercier, également spécialiste des réseaux sociaux.
Le fact-checkeur fact-checké… Pour sa première vidéo, Joffrey Bollée a choisi de revenir sur le classement de présence médiatique mis en ligne par le Lab d'Europe 1. Le titre l'a "interpelé" : "Marine Le Pen et Florian Philippot, plus gros squatteurs de matinales depuis un an." Après avoir rappelé qu'un squatteur est quelqu'un qui "occupe illégalement une place, une habitation", le dircab du vice-président du parti s'interroge : "Est-ce à dire que le Front national n'est pas chez lui dans les médias, même quand il est invité ?"
Sauf que le terme squatteur n'a aucunement été utilisé pour définir les deux dirigeants du FN. Il s'agit du titre d'une rubrique, qui revient régulièrement sur le Lab d'Europe 1, comme le confirme Aurélie Marcireau (photo), la rédactrice en chef du site : "Comme il existe des catégories au Festival de Cannes ou aux César, nous avons nos 'squatteurs des matinales'". François Bayrou (MoDem) en octobre 2013, Bruno Le Roux (PS) en mai dernier ou encore Bruno Le Maire (UMP) en août ont eux aussi été qualifiés de "squatteurs". Interrogé sur cette erreur factuelle - le comble pour un fact checkeur -, Joffrey Bollée assume et botte en touche. "Le Lab a peut-être un ton ironique, mais ils sous-entendent parfois des choses graves…" Florian Philippot, lui, est plus gêné : "Ha…"