C'est l'histoire d'un ambitieux ministre PS, qui bouscule les lignes et s'attaque aux tabous. Au point de flirter avec la droite et d'énerver jusque dans son propre camp. Manuel Valls ? Non, Emmanuel Macron. 35 heures, travail le dimanche, monopoles... Depuis qu'il s'est installé à Bercy, fin août, le ministre de l'Economie bouscule les lignes. C'est d'ailleurs l'esprit de son projet de loi polémique, qu'il a encore défendu, dimanche soir, au journal de TF1. De quoi concurrencer Manuel Valls sur son créneau de "droitier" du PS ?
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Il faut dire que le Premier ministre est venu donner un sérieux coup de main à son ministre. En faisant, lui aussi, un 20 Heures une semaine plus tôt, mais en tenant également une conférence de presse, mercredi dernier, afin de vanter le projet de loi d'Emmanuel Macron. Pour le protéger ou pour mieux l'encadrer ? Probablement les deux à la fois.
Assouplir les 35 heures. Car comme Manuel Valls ces dernières années, Emmanuel Macron apparaît comme le trublion de la gauche. A peine sa nomination annoncée, Le Point publiait un entretien dans lequel il se disait favorable à des dérogations aux 35 heures. Les 35 heures ? Oui, celles que Manuel Valls disait vouloir "déverrouiller" en 2011, s'attirant les foudres de ses camarades socialistes. Sur ce sujet comme sur d'autres, Macron et Valls se retrouvent. Ils incarnent la ligne "sociale-libérale" du gouvernement tant décriée par l'aile gauche du PS.
Emmanuel Macron, un nouveau Manuel Valls ? "Ils partagent le même espace politique, sur la droite du PS", remarque le communicant Philippe Moreau-Chevrolet, contacté par Europe 1. "Mais Emmanuel Macron apporte un élément de nouveauté, alors que Manuel Valls est déjà usé. Il s'est 'hollandisé', en quelque sorte".
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Popularité. Autre point commun aux deux hommes : l'écho qu'ils rencontrent dans l'opinion. Même si sa cote s'est affaissée depuis son entrée à Matignon, Manuel Valls a longtemps pu se prévaloir d'une popularité insolente. Emmanuel Macron, lui, signe de bons débuts dans les enquêtes, et son déficit de notoriété se réduit. La cote du ministre bondit de 12 points dans le dernier baromètre Ipsos/Le Point. Six Français sur dix estiment qu'il est un bon ministre de l'Economie, selon un récent sondage Odoxa pour Les Echos. Et comme Manuel Valls, il plaît à la droite. Selon le dernier baromètre de l'institut CSA pour Les Echos, 31% des sympathisants de gauche en ont une image positive, tout comme… 31% des sympathisants de droite !
Des parcours très différents. Pour autant, il serait faux de parler d'Emmanuel Macron comme d'un copié-collé de Manuel Valls. Entre l'immigré catalan qui a gravi tous les échelons du PS et l'énarque passé par la banque Rothschild, la différence est de taille. "Leurs parcours n'ont juste rien à voir", insiste un proche du Premier ministre. Et leurs convictions ? "Elles peuvent se rencontrer, mais je ne connais pas les idées de Macron sur la République, la laïcité, etc". Autrement dit, Emmanuel Macron serait pour l'instant cantonné à son domaine, l'économie, alors que Manuel Valls aurait désormais un discours légitime sur tous les sujets.
Valls en danger ? Pourtant, "il est clair qu'Emmanuel Macron est en train de ringardiser Manuel Valls", affirme Philippe Moreau-Chevrolet. "C'est même assez préoccupant pour le Premier ministre". Selon lui, "c'est moins l'image de Macron qui est forte que celle de Valls qui est faible. A Matignon, il est resté coincé dans un registre assez limité, et parle toujours de la même façon, dans une posture assez mécanique. Il devrait élargir son propos, parler à l'ensemble du PS, car il a maintenant un concurrent sur sa niche".
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Hollande en arbitre. Même si les relations entre les deux hommes sont "excellentes", dixit l'entourage de Valls, la concurrence pourrait-elle s'exacerber un jour ? Jacques Attali, l'homme d'influence qui a présenté Emmanuel Macron à François Hollande, voit dans le ministre de l'Economie "un futur grand politique". En tout cas, si duel il y a, c'est surtout depuis l'Elysée qu'il sera observé de près. "Le vainqueur du duel Macron-Valls, c'est Hollande", explique Philippe Moreau-Chevrolet. "Pousser Macron, c'est une manière de dire qu'il peut se passer de Valls". Placer deux taureaux dans la même arène, c'est aussi une façon de faire de la politique.
Emmanuel Macron, un grand professionnel, un futur grand politique, un homme de culture, . Bercy dans de tres bonnes mains.— Jacques Attali (@jattali) August 26, 2014