Macron pour une "vraie armée européenne" : un projet réalisable ?

La capacité de défense renforcée de l'Europe est l'un des "projets" mis en avant par Emmanuel Macron dans son interview sur Europe 1 mardi.
La capacité de défense renforcée de l'Europe est l'un des "projets" mis en avant par Emmanuel Macron dans son interview sur Europe 1 mardi. © FREDERICK FLORIN / AFP
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Thibauld Mathieu , modifié à
Sur Europe 1, le président de la République a plaidé pour la création d'une "vraie armée européenne". Une annonce qui a tout l'air d'un vœu pieux.
ON DÉCRYPTE

Pour Emmanuel Macron, l'Europe ne pourra pas se défendre sans "une vraie armée européenne". Face à Nikos Aliagas, mardi sur Europe 1, le président de la République a proposé de renforcer la capacité de défense du Vieux Continent, "sans dépendre seulement des États-Unis et de manière plus souveraine". Évoqué depuis plus de soixante ans, le projet n'a toutefois jamais abouti jusqu'ici.

Un vieux serpent de mer

L'idée d'une armée européenne est même plus vieille que la construction de l'Europe elle-même. En 1952, la France, l’Allemagne, l’Italie et les trois pays du Benelux, se réunissent d'abord au sein de la Communauté européenne de défense (CED). Mais deux ans plus tard, députés gaullistes et communistes refusent de ratifier son traité. L'idée est tuée dans l'œuf. Elle revient cependant régulièrement sur la table, tout au long du 20ème siècle.

Ainsi, en 1999, l’Union s’était même engagée à créer avant 2003 une force d’intervention rapide dotée de 50.000 à 60.000 hommes capable de se déployer en trois mois pendant un an… La possibilité d'instaurer à terme une véritable union européenne de la défense est d'ailleurs inscrite dans l’article 42 du traité sur l'Union européenne, révisé en 2009. Mais chaque fois, l'idée finit dans les limbes.

Le dernier à l'avoir évoquée n'est autre que Jean-Claude Juncker. Le président de la Commission européenne soulignait en 2015, dans un entretien au journal allemand Welt am Sonntag, la nécessité de doter l'UE d'une armée commune, plutôt que d'une armée unique qui se substituerait aux armées nationales. Mais ses propos avaient fait un flop.

Trois obstacles au projet

Selon le chercheur Philippe Moreau Defarges, spécialiste de la construction européenne, ces volontés répétées se heurtent inlassablement à trois obstacles.

"D'abord, les États sont très susceptibles en matière de souveraineté. Ensuite, les efforts de défense sont très variables au sein de l'UE : seuls deux États, la France et le Royaume-Uni,  ont une réelle politique de défense. L'Allemagne, de son côté, a toujours développé son armée avec réticence. Pour le reste, il est très difficile de trouver comment harmoniser le potentiel militaire du Luxembourg et celui de la France, par exemple", poursuit l'expert, joint par Europe 1.

"Le dernier obstacle, énumère-t-il, c'est la paresse des États européens. Tant que l'Alliance atlantique existera, beaucoup de pays européens s'estimeront suffisamment protégés". Après avoir laissé planer le doute sur ses intentions de quitter l'OTAN, Donald Trump avait en effet réaffirmé en juillet le "ferme engagement" des États-Unis à l'égard de l'organisation, applaudissant même celui pris par les alliés pour augmenter leurs dépenses de défense.

Une coopération de plus en plus forte

Car un embryon de défense commune commence bien à naître. Qu'il s'agisse de mener des opérations conjointes, d'acquérir ou d'exploiter en commun certains équipements, les coopérations entre les armées européennes sont de plus en plus nombreuses.

Paris a également initié avec huit partenaires un groupe d'intervention commun destiné à être capable de mener rapidement une opération militaire, une évacuation dans un pays en guerre ou d'apporter une assistance en cas de catastrophe.

La Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'UE, adoptée en 2016 résume parfaitement la situation : "L'UE encouragera systématiquement la coopération en matière de défense et s'efforcera de créer une solide industrie européenne de la défense, laquelle est essentielle pour garantir l'autonomie de décision et d'action de l'Europe", mais "les États membres conservent leur souveraineté dans leurs décisions relevant du domaine de la défense", dit le texte.

Un Fonds européen de Défense doit parallèlement être mis en place en 2019 pour développer les capacités militaires des États membres, avec des projets de type matériels, comme la dotation d'un futur avion. Là encore, le projet reste difficile à mettre en place. Pour preuve, la semaine dernière, la Belgique a choisi un F-35 américain plutôt que le Rafale du Français Dassault ou le Typhoon du consortium européen Eurofighter.