"Ce sera une campagne très brève, que je déclencherai quand je le sentirai." À l'instar de son père, Marine Le Pen se fie à son instinct politique pour la prochaine élection présidentielle. La présidente du Front national, qui se rendra en Autriche à la mi-juin pour saluer Norbert Hofer, candidat d'extrême droite défait de très peu il y a deux semaines, est déjà dans le dur de la préparation de sa campagne.
Des meetings inspirés de ceux de Donald Trump. Le Front national ne programme une entrée dans l'arène qu'en février 2017, soit trois mois avant le premier tour. Mais en réalité, tout ou presque est déjà calé. Dix grands meetings dans dix grandes villes de France sont prévus, et les salles pré-réservées. Sur la forme, le petit cercle autour de la présidente s'intéresse de près à la campagne de Donald Trump. Le candidat républicain aux États-Unis est une source d'inspiration, notamment pour ses réunions publiques au centre d'une assemblée en cercle. Placer Marine Le Pen au milieu de la foule n'est pas pour déplaire à certains frontistes, qui n'hésitent pas à rappeler l’exemple de la campagne présidentielle de 1988. À l'époque, Jean-Marie Le Pen, debout dans le stade Vélodrome de Marseille, avait fait vibrer un auditoire massé sur les gradins estimé à 30.000 personnes par le Front national.
Irréprochable sur la com'. Une révolution culturelle pourrait également avoir lieu au Front national, qui est allé chercher des agences de communication afin d'établir une charge graphique pour la campagne d'affichage. Un symbole pourrait même être spécialement créé pour la présidentielle. Cette fois, le modèle est celui de Jacques Chirac qui, en 1995, avait avantageusement remplacé l'emblème du RPR par un pommier. Sur la forme, Marine Le Pen tient donc à ce que sa campagne soit très professionnelle, et que rien ne soit laissé au hasard.
Rassurer les seniors. Sur le fond, le Front national doit encore arrêter sa stratégie. Un sujet central, alors que l'extrême droite fait peur à deux grands électorats : les seniors et les femmes. "Les personnes âgées qui ont peur de la guerre civile et les jeunes femmes qui ont le sentiment qu’on va régenter leur vie, ça nous congèle des millions de voix", reconnaît un dirigeant frontiste. Pour les premières, le parti de Marine Le Pen a déjà tranché, arrêtant de parler de la sortie de l'euro et des incertitudes économiques qui pourraient s'en suivre.
Le FN divisé sur l'avortement. Pour les jeunes femmes, en revanche, le Front national est très divisé. Les questions d'avortement et de contraception provoquent un véritable schisme au sein du parti. Florian Philippot est pour ne pas y toucher et le dire publiquement, afin de rassurer l'électorat féminin. Une ligne suivie par Marine Le Pen, mais qui est loin de faire l’unanimité. Marion Maréchal-Le Pen, et avec elle une partie des cadres du FN, sont contre l’idée d’abandonner le discours traditionnel, qui exalte la famille et fustige des avortements volontiers qualifiés "de confort". Les tenants de cette ligne-là sont convaincus qu’électoralement, il y a plus à perdre qu’à gagner à changer leur fusil d'épaule. Le débat est donc aussi décisif qu’explosif pour le Front national, qui repose historiquement sur deux piliers : la préférence nationale et les valeurs morales.