Pourquoi la Grande Charte de 1215 est toujours un texte fondateur

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Europe 1 Studio
Dans un récit inédit "Au cœur de l'histoire", Fabrice d’Almeida revient sur le règne calamiteux du roi Jean sans Terre. Qui a pourtant vu la naissance en 1215 d’un texte devenu une référence pour nos démocraties modernes.

Le Royaume-Uni est un cas rare. Contrairement à ses voisins européens, ce pays n’a pas de constitution écrite. C’est un ensemble de lois non-codifiées, agrégées au fil des siècles, qui le régit. Mais aux fondements de toutes ces lois, on trouve la Grande Charte de 1215 (ou "Magna Carta"), dont la Grande-Bretagne avait fêté avec faste les 800 ans en 2015. Un texte qui est devenu une référence pour toutes les démocraties.

Découvrez le récit inédit "Au cœur de l'histoire" de Fabrice d’Almeida consacré à Jean sans Terre sur Europe1.fr et toutes vos plateformes habituelles d’écoute. Alors que le Brexit divise plus que jamais les Britanniques, retour sur un moment décisif de l’histoire d’Angleterre, lorsque Jean sans Terre a été obligé de signer la Grande Charte face à la fronde des barons de son royaume.

La rébellion des barons. Le règne de Jean sans Terre est à la fois autoritaire et chaotique. Au-delà de ses mauvaises décisions politiques, il accumule les défaites militaires. Tout cela coûte cher, trop cher pour les barons anglais qui sont fortement taxés pour financer la guerre. Ils se révoltent. Et en 1215, ils réussissent à imposer à Jean sans Terre la signature d’une Grande Charte, un texte qui redistribue les cartes des privilèges.

Libertés, pouvoir limité et parlement. Le texte, qui comporte 63 articles, prévoit plusieurs dispositions contraignantes pour le pouvoir royal. C’est tout simplement la première fois que l’arbitraire du roi est limité, plaçant la loi au-dessus de son pouvoir. Une première pierre posée au projet de démocratie.

Au coeur de ce texte, il y a notamment l’article 39 qui stipule : "Qu'aucun homme libre ne soit ainsi, emprisonné ni dépossédé de ses biens, ni déclaré hors la loi, ni exilé, ni détruit de quelque autre manière ; et nous ne procéderons pas contre lui, et nous ne donnerons pas d’ordre contre lui, si ce n’est par le jugement légal de ses pairs ou selon la loi de la terre". Cet article souligne ainsi qu’un homme libre ne peut être détenu sans jugement, selon le seul bon vouloir du roi. Il ne s’agit que de quelques lignes mais leur poids est considérable.

La Grande Charte est également à l’origine de la création d’un Grand Conseil, réunissant vingt-cinq aristocrates qui peuvent annuler la volonté du roi et lui confisquer ses biens. Là encore, il s’agit d‘un contre-pouvoir face à la monarchie. On peut même y lire les prémices de l’idée de parlement, qui prendra réellement corps après une nouvelle crise entre le roi Henri III et les barons, entre 1258 et 1265.

Aux fondements de la politique moderne. La Grande Charte résonne dans l’Habeas Corpus, et a ensuite traversé les frontières, influençant la Constitution américaine ou encore la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. C’est l’ironie de ce chapitre de l’histoire européenne : Jean sans Terre a laissé un piètre souvenir dans les mémoires. Pas le texte fondateur qui est né sous son règne...