Rachida Dati a raconté, dimanche sur Europe 1, son mariage "forcé", dont elle n'a réussi à obtenir l'annulation qu'après trois ans d'un douloureux combat (photo d'archives). 5:35
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Pauline Rouquette , modifié à
Invitée de l'émission "Il n'y a pas qu'une vie dans la vie", l'ancienne ministre, maire du 7e arrondissement et candidate à la mairie de Paris, Rachida Dati, a partagé, sur Europe 1, un épisode douloureux de son passé. Un mariage "forcé" qu'elle s'était elle-même imposé, et dont elle a mis trois ans à obtenir l'annulation, avec l'aide d'éminentes figures politiques, à l'instar de Simone Veil.
INTERVIEW

"Ce n'était pas une contrainte de la part de mon père, il ne l'a pas choisi, ne me l'a pas imposé, mais il y avait une pression culturelle", explique Rachida Dati. Invitée d'Isabelle Morizet, dimanche, dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie sur Europe 1, la maire Les Républicains du 7ème arrondissement, candidate à la mairie de Paris, est revenue sur un passage douloureux de sa vie. Celui de son mariage "forcé", en novembre 1992. Une union qui n'avait pas été imposée par sa famille, mais qu'elle s'était imposée à elle-même.

"Le mariage, c'était pas moi"

L'homme auquel elle s'est unie ce jour-là, Rachida Dati ne l'aimait pas. D'ailleurs, ceux qui l'ont vue entrer dans la salle des mariages se rappellent que la jeune femme pleurait. Suite à un "oui" inaudible, l'officier d'état civil s'était même exclamé "on va considérer que c'est un oui". Pourtant aujourd'hui, Rachida Dati le précise : "ce n'était pas une contrainte de la part de mon père (...), mais il y avait une pression dans la cité où j'habitais, de ne pas être mariée".

À cette époque, Rachida Dati gagnait bien sa vie. "J'avais changé la vie de mes parents", dit-elle au micro d'Europe 1. "J'ai mis mes frères et sœurs dans des écoles plus privilégiées, mes parents ont pris l'avion pour la première fois, je leur ai acheté leur première machine à laver, je leur ai fait installer le téléphone..."

Mais culturellement, une femme de son âge, ayant réussi professionnellement et vivant seule, devait se marier. "Mes sœurs se sont toutes mariées jeunes, conditionnées par le fait que c'est bien de se marier et de faire des enfants", explique-t-elle. Mais au fond, la magistrate et femme politique savait que cette vie n'était pas la sienne. "Le mariage, c'était pas moi".

Pourtant, ce mariage, elle l'a accepté... Jusqu'au lendemain de la célébration, où elle est allée demander l'annulation. En vain. "La justice n'a pas voulu, d'abord parce que lui ne voulait pas divorcer", raconte-t-elle. Elle non plus, d'ailleurs. "Je voulais une annulation, je voulais effacer cette page y compris sur mon acte de naissance".

"Même Nicolas Sarkozy ne savait rien de tout ça"

Face au refus qui lui a été opposé, Rachida Dati s'en est allée voir le procureur de la République, en décembre. "Pour lui, mon consentement était éclairé, j'étais lucide, je ne vivais pas chez mes parents, j'étais libre, autonome, donc au sens juridique, il n'y avait pas de pression... Mais c'était plus insidieux".

Suite à ce nouvel échec, Rachida Dati a donc pris la décision de fuir. "J'ai quitté la France. Jacques Attali m'a accueillie à la Banque européenne à Londres", poursuit-elle. Taisant sa situation, celle-ci racontait alors avoir besoin d'une expérience à l'international. "Même Nicolas Sarkozy ne savait rien de tout ça", dit-elle, "et je ne suis rentrée en France que quand l'annulation du mariage était quasiment acquise".

"Simone Veil m'a aidée en me recommandant une avocate"

Plusieurs personnalités clés ont alors permis à Rachida Dati d'entrevoir la lumière au bout du tunnel. "Simone Veil m'a aidée en me recommandant une avocate", explique-t-elle. Albin Chalandon, son mentor politique, a quant à lui appelé Pierre de Bousquet, haut magistrat, "pour le sensibiliser sur cette situation". C'est ainsi que le parquet s'est de nouveau emparé de l'affaire. "Ils ont compris qu'il y avait un vide politique", affirme Rachida Dati. "C'est comme ça qu'après, avec Nicolas Sarkozy, on a changé la loi".

"Parce que ce n'est pas forcément les parents", insiste l'ancienne ministre. "Parfois, ce sont les jeunes femmes elles-mêmes qui s'auto-mettent dans cette situation pour ne pas poser de problème à qui que ce soit". Il lui aura fallu trois ans pour obtenir l'annulation de ce mariage qu'elle qualifie elle-même de "forcé". Elle en sera affranchie en 1995. "Les trois personnes qui m'ont libérée sont Simone Veil, Albin Chalandon de Pierre de Bousquet", estime Rachida Dati. "Ce n'était pas de l'audace, c'était de l'instinct de survie".