"Si on suit l'opinion publique, la sécurité supprimera la liberté"

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J.D , modifié à
Dans Mediapolis, le directeur du Centre d'études et de connaissance sur l'opinion publique, Jérôme Jaffré, revient sur les conséquences politiques du virage sécuritaire de la gauche.

Après une loi de reconduction de l'état d'urgence adoptée le 19 novembre, on parle maintenant de la création d'un fichier européen des passagers aériens. A la suite des attentats du 13 novembre, l'heure est au durcissement sécuritaire. Invité de l'émission Médiapolis sur Europe 1 samedi, le directeur du Centre d'études et de connaissance sur l'opinion publique, Jérôme Jaffré, est revenu sur les conséquences politique d'un tel virage. Surtout, il a mis en garde les politiques qui suivent aveuglément l'opinion publique dans un tel contexte.

"Attention à l'opinion publique sur ces sujets". C'est l'avertissement de Jérôme Jaffré. Pour l'analyste, l'opinion publique "a des tendances presque liberticides si on la laisse faire". Il prend pour exemple les gens qui veulent mettre les personnes fichées S en prison : "Les gens vous disent massivement oui, mais en réalité ce sont des gens (les fichés S) qui sont placés sous surveillance et qui n'ont pas commis de délit, du moins pas encore. On ne peut donc pas à priori les placer en prison, c'est une aberration du point de vue du droit". Avant d'affirmer : "Si on suit l'opinion publique, la sécurité supprimera la liberté".

Le FN s’élève contre ce durcissement. Alors qu'on demande à droite comme à gauche plus de sécurité, le Front national se pose en défenseur des libertés, à la surprise générale. Invité du Club de la presse lundi soir sur Europe1, Florian Philippot, vice-président du parti, déclarait au sujet de la création d'un fichier européen des passagers aériens:"Non seulement ça ne sert à rien mais en plus c'est extrêmement attentatoire à nos libertés publiques, nos libertés individuelles". Il assurait que le Front national "veut plus de sécurité sans retirer de libertés".

Une position étonnante que Jérôme Jaffré analyse de la manière suivante : "Il faut bien comprendre que quand les socialistes prennent un tournant sécuritaire, ils ne le font pas mollement". Et le spécialiste de l'opinion publique de de rappeler qu’en 1956, le Premier ministre socialiste d’alors, Guy Mollet, avait fait voter une loi sur les pouvoirs spéciaux en Algérie, avec comme objectif de durcir la lutte contre le FLN. Une loi qui, à l’époque, avait été votée par les communistes.

S’il insiste donc sur le fait que les socialistes "y vont franchement quand ils font ce genre de tournant", Jérôme Jaffré leur rappelle une chose : "L’état d’urgence n’est pas la fin de l’état de droit. On doit garder à l’esprit la différence entre un suspect, un prévenu et un condamné."

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