Le dernier budget du quinquennat porte-t-il plus la marque de l'aile gauche que les précédents ? Les députés ont adopté mardi après-midi, en première lecture, le volet recette du dernier projet de loi de finances du mandat de François Hollande, par 285 voix contre 242. L'ambiance délétère qui a régné lors des débats a notamment permis à l’aile gauche du PS de faire passer, parfois avec le soutien des écologistes, des communistes et même de quelques voix de la droite, plusieurs amendements contre l’avis du gouvernement. Des "allures de fin de règne", allait jusqu’à titrer lundi Le Monde. De son côté, l’exécutif tempère : "Les votes qui sont intervenus, parfois contre l’avis du gouvernement, ne dégradent pas le solde et ne remettent pas en cause nos engagements", a déclaré mardi aux Echos le secrétaire d’Etat chargé du Budget Christian Eckert.
"Un effet bouquin". Mardi matin, à quelques heures du vote, les élus socialistes se faisaient rares dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Lors de la réunion du groupe, le Premier ministre a pris la parole devant une petite poignée de députés seulement, souffle-t-on. "Un effet bouquin", a analysé Bruno Le Roux pour expliquer les désertions socialistes, en référence au livre de confidences de François Hollande, Un président ne devrait pas dire ça, et dont le contenu n’en finit plus d’alimenter les polémiques. "Un certain nombre de députés - c'est la dernière année - sont pris dans leur circonscription, ont du mal à monter à l'Assemblée pour participer au débat [...] je sais très bien, en discutant avec eux, qu'ils se posaient la question : ‘Pourquoi ? Pourquoi ce livre ?' Ça n'a pas facilité la mobilisation sur le budget ", a reconnu le chef du groupe socialiste sur France Info.
Le gouvernement retoqué. De fait, l’absence d’élus légitimistes a permis à une large partie de l'aile gauche du PS et à ses alliés de circonstance de mettre à plusieurs reprises le gouvernement en minorité. Une redevance télé augmentée de 1 euro au lieu de 2, un remaniement de la fiscalité dont bénéficient, depuis la Loi Macron, les attributions gratuites d’actions, un élargissement de la taxe sur les transactions financières… "on savait qu’il y aurait des choses qui passeraient, on ne pensait pas que tout ou presque passerait", a déclaré au Monde la députée des Hautes-Alpes Karine Berger qui, sans appartenir à la fronde parlementaire, se montre souvent critique à l'égard du gouvernement.
Le jeu démocratique. "Élargir la taxe sur les transactions financières n’est pas un crime de lèse-gouvernement", a opposé Annick Lepetit, porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée, mardi matin lors d'un point presse. La députée de Paris reconnaît néanmoins qu’il s’agit du projet de loi de finances sur lequel "le plus grand nombre d’amendements ont été adoptés sans que ce soit, au départ, l’avis du gouvernement". "Nous sommes dans une démocratie parlementaire, il est normal que des députés socialistes déposent des amendements", a-t-elle rappelé. "Je me rends compte que certains voudraient raconter un roman de la déliquescence parlementaire", relevait encore l'élue qui assurait néanmoins : "Je pense que le vote de cet après-midi fera mentir ceux qui estiment qu'il n'y a plus de majorité."
Avec seulement 16 abstentions au sein du groupe PS mardi, le vote sur la première partie de la loi de finances s'est finalement révélé encore plus consensuel qu'en 2015, où, sur le même volet du texte, 18 "frondeurs" s'étaient abstenus. En 2014, ils étaient 39. Les "opposants" socialistes ont donc été plus nombreux cette année à valider un budget auquel ils ont davantage contribué.