L’incertitude est devenue le maître-mot de la présidentielle 2017. À quelques jours du scrutin, le quatuor de tête dans les enquêtes d’opinion continue de se disputer les premières places sur le podium. Plus d’un électeur sur quatre ne saurait toujours pas pour qui voter, selon une enquête Ipsos-Sopra Steria publiée vendredi. Mais ils seraient aussi de plus en plus nombreux à être tentés par le vote blanc, généralement interprété comme le refus de choisir un candidat. 40 % des Français pourraient ainsi glisser un bulletin blanc dans l’urne, au premier tour, à condition que ce vote soit considéré comme un suffrage exprimé et pris en compte dans le calcul final des résultats, révèle un sondage Ifop pour le Think tank Synopia publié fin mars.
Europe 1 vous dit tout sur ce vote un peu particulier, comptabilisé à part dans chaque bureau de vote depuis la loi du 21 février 2014, mais considéré comme non exprimé par le Conseil constitutionnel, et donc exclu du total officiel des voix exprimées.
- Comment je vote blanc ?
Le vote blanc consiste à déposer dans l’urne une enveloppe vide ou avec un bulletin vierge. Si vous optez pour la seconde solution, il vous faudra préparer votre bulletin blanc à l’avance, car celui-ci n’est pas fourni par les bureaux de vote. Puisque le Code électoral impose aux différents bulletins d’être strictement identiques, vous devrez découper un rectangle de 105 x 148 mm, dans un papier blanc d'un grammage compris entre 60 et 80 grammes au mètre carré. Si vous avez peur de vous y perdre, pas de panique : des bulletins au nom des candidats sont envoyés aux électeurs avec les professions de foi, un modèle vous attend peut-être déjà dans votre boîte aux lettres.
Si votre bureau de vote dispose d’une machine à voter, il vous suffira simplement de sélectionner l’option "vote blanc".
- Vote blanc, vote nul, abstention, quelles différences ?
Le vote blanc ne doit pas être confondu avec "le vote nul", qui lui, met à mal l’anonymat du scrutin. C’est-à-dire qu’il comporte une trace pouvant être considérée comme une forme de reconnaissance du bulletin. Si le vote nul, comme le vote blanc, est assimilé à un suffrage non exprimé, il existe une vraie différence entre ces deux types de bulletins du point de vue du sens politique, comme nous l’explique Pascal Jan, professeur de droit public à l’IEP de Bordeaux. "Matériellement, le vote blanc n’exprime rien, et pourtant il est bien l’expression de l’opinion d’un électeur, qui considère que l’offre politique ne lui permet pas de faire un choix, de pencher pour un candidat plutôt qu’un autre. Le vote nul, quant à lui, manifeste davantage un mécontentement, dans la mesure où, généralement, l’on barre ou l’on déchire son bulletin de vote", détaille le spécialiste.
Deux manières de prendre part au scrutin donc, à l’inverse de l’abstention. "L’un et l’autre participent du processus électoral, quand l’abstention est l’expression d’un ras-le-bol contre le système lui-même", précise encore le constitutionnaliste.
- Combien de personnes votent-elles blanc ?
Les européennes de 2014 ont été les premières élections à séparer le vote blanc du vote nul sur les procès-verbaux des bureaux de vote. À cette occasion, 546.601 électeurs ont déposé un vote blanc dans l’urne sur les 19.747.893 qui se sont déplacés, soit 1,17% des participants. Ils étaient 2,41% pour les régionales de 2015.
Retour cinq ans plus tôt. Pour le second tour de la présidentielle de 2012, 2.147.173 bulletins blancs ou nuls ont été comptabilisés. Ce sont donc plus de 2 millions de voix, soit 5,8 % des votants, qui n’ont pas été prises en compte dans le total des suffrages exprimés, lors de la proclamation officielle des résultats. En incluant ce pourcentage aux résultats validés par le Conseil Constitutionnel pour le second tour, François Hollande n’obtient plus que 48,63% des voix (contre 51,64%) et Nicolas Sarkozy 45,55% (contre 48,36%). Des chiffres pour le moins problématiques quand la Constitution de la Vème République indique que le chef de l’Etat "est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés".
- Qu’est-ce que changerait la reconnaissance du vote blanc ?
La reconnaissance du vote blanc pourrait provoquer une crise du pouvoir, pointe Pascal Jan. "Depuis 1965, l’élection présidentielle repose sur une idée, celle de la majorité absolue. Si vous incluez, dans le total des suffrages exprimés, le vote blanc et le vote nul, vous ne pouvez plus, aujourd’hui, obtenir cette majorité absolue. Reconnaître, officiellement, que l’on a élu un président minoritaire poserait du même coup la question de sa légitimité, de l’autorité du chef de l’Etat et plus largement de celle des pouvoirs publics".
Pour l’enseignant, le décompte actuel des bulletins blancs, signalés sur les seuls procès-verbaux des bureaux de vote, est déjà une reconnaissance, mais a minima pour sauver l’élection de toute perturbation au moment du dénouement. "L’exclusion des votes blancs et nuls du total des suffrages exprimés permet de maintenir une fiction nécessaire à la stabilité des institutions, et selon laquelle le président est élu par une majorité".
- Que pensent les candidats à la présidentielle du vote blanc ?
La prise en compte du vote blanc dans la proclamation officielle des résultats est une proposition récurrente en période électorale, l’association Citoyens du vote blanc en a fait son fer de lance. On la trouve dans le programme de Jean-Luc Mélenchon, de Nicolas Dupont-Aignan et de François Asselineau. Les deux derniers veulent notamment que chaque scrutin où le vote blanc représente 50% des inscrits soit réorganisé, et les candidats battus empêchés de se représenter. "Je milite pour le vote blanc" a tweeté de son côté Jean Lassalle en juillet 2016, et Nathalie Arthaud a indiqué dans une tribune sur Change.org être favorable à ce que "le vote blanc soit officiellement comptabilisé et pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés". Le socialiste Benoît Hamon souhaite, quant à lui, soumettre la reconnaissance du vote blanc à référendum.
Il n’en n’est pas fait mention dans les programmes de François Fillon, d’Emmanuel Macron, de Marine Le Pen, de Jacques Cheminade et de Philippe Poutou.