Anorexie, boulimie, hyperphagie : les troubles alimentaires aggravés par la crise

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Les troubles du comportement alimentaires peuvent prendre de nombreuses formes : anorexie, boulimie, hyperphagie boulimique... © Pixabay
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Séverine Mermilliod
Ce 2 juin marque la Journée de sensibilisation aux troubles des conduites alimentaires (TCA). En France, près d'un million de personnes sont concernées et la crise sanitaire aurait accentué ces troubles qui ont souvent des origines psychologiques. Europe 1 fait le point sur ce que l'on sait de ces troubles et les possibilités d'aides qui existent pour les personnes concernés.
INTERVIEW

Près d'un million de Français souffrent de TCA, les troubles des conduites alimentaires. Une situation qui semble avoir été aggravée par la période de crise sanitaire. Certains hospitaliers parlent ainsi d'un doublement du nombre de patients anorexiques pris en charge en 2020. Un constat qui est fait "non seulement en France, mais en Europe, sur l'ensemble des services qui s'occupent des personnes qui souffrent de ces pathologies", assure à Europe 1 Nathalie Godart, présidente de la Fédération française Anorexie Boulimie, à l'occasion de la journée de sensibilisation aux troubles alimentaires.

Qu'est-ce qu'un trouble des conduites alimentaires ?

Les troubles des conduites alimentaires regroupent "un ensemble de pathologies qui comportent l'anorexie mentale et la boulimie, mais aussi l'hyperphagie boulimique, le trouble décrit le plus récemment, qui consiste à souffrir de crises de boulimie mais sans stratégie de contrôle de poids, ce qui fait qu'on va prendre beaucoup de poids, voire se retrouver en situation d'obésité", explique Nathalie Godart. "Et puis des troubles qui sont moins fréquents. Ce qui fait que si on élargit les choses, jusqu'à 20% de la population peut souffrir de troubles alimentaires".

La présidente de la Fédération française Anorexie Boulimie rappelle que ces troubles "se manifestent par des comportements alimentaires qui sont problématiques : ou une restriction ou un excès. Mais ils sont généralement accompagnés d'un mal-être, d'une souffrance qui tranche par rapport à la personnalité antérieure."

Pic de fréquence d'apparition à l'adolescence

Parmi les plus concernés, les adolescents et les étudiants, situation aggravée par la crise et l'isolement. "Ces troubles peuvent commencer dès l'enfance. Il y a un pic de fréquence autour de l'adolescence et début de l'âge adulte, mais ça peut commencer aussi à l'âge adulte", précise la pédopsychiatre qui est aussi professeure à l'Université de Saint-Quentin en Yvelines.

Noah, une jeune femme de 19 ans, témoigne ainsi auprès d'Europe 1 : "On était vraiment confrontés tout le temps, tout le temps, tout le temps à la nourriture, que ce soit derrière nos écrans (les photos de repas sur Tik-Tok) ou alors dans notre vie. Le premier truc quand on s'ennuie, quand on essaye de suivre nos cours en ligne, c'est de grignoter un truc à côté. En fait, c'était ça non-stop, donc c'était très difficile : plus de stress, donc encore plus besoin de palier un mal-être avec la nourriture. Je vais commencer à avoir un repas. Et puis, je ne vais pas pouvoir m'arrêter de manger. Je vais devoir finir tout ce qu'il y a chez moi parce que sinon, ça va être horrible. En fait, c'est un besoin qui est tellement fort qu'on ne peut pas refuser."

Les troubles dits "restrictifs", comme "l'anorexie mentale, sont plus fréquents chez les filles, avec un ratio de 1 pour 10. Mais par contre, l'hyperphagie boulimique s'approche d'un ratio de 1 sur 2", note aussi Nathalie Godart.

Comment diagnostiquer et soigner ces troubles encore "mal connus" ?

Elle rappelle que ces troubles sont encore trop peu diagnostiqués, pour plusieurs raisons. "La première, c'est que certains n'ont pas conscience de souffrir de ces troubles. Pour d'autres, ils ont honte et n'accèdent pas aux soins. Et puis, ils sont relativement mal connus aussi du monde médical et du monde où vivent les gens, et en particulier les jeunes, à l'École ou dans le milieu de vie associatif, sportif ou de loisirs", déplore la pédopsychiatre.

Si les personnes ont conscience de souffrir de ce trouble, "il ne faut pas hésiter à consulter", souligne la spécialiste. Et pour les proches qui souhaiteraient aborder le sujet avec le principal concerné, "un conseil, c'est de ne pas aborder ces questions là pendant les repas, mais plutôt à distance. Et puis de les aborder avec des paroles positives autour d'une aide, sans reproche", car ces problèmes alimentaires "sont beaucoup plus complexes" qu'un comportement volontaire, "et sont des affections psychologiques".

"Un suivi à la fois psychologique, somatique et nutritionnel"

Pour sortir de ces TCA, "l'hospitalisation n'est pas toujours nécessaire", rappelle d'ailleurs Nathalie Godart, "et le suivi doit être à la fois psychologique, somatique et nutritionnel, avec des professionnels qui doivent être coordonnés. Ce suivi doit durer plusieurs mois, voire plusieurs années".

Un numéro de téléphone dédié existe : le 0 810 037 037. Il s'agit de la ligne anorexie boulimie info écoute, ouverte de 9 heures à 19 heures et qui est tenue par des associations de familles et par des professionnels. Un annuaire des centres spécialisés est également en ligne sur le site de la Fédération française anorexie boulimie. La présidente de la Fédération française Anorexie Boulimie souhaite enfin "inciter au développement de ces centres spécialisés qui manquent sur le territoire", car dit-elle "on a une carte qui a des trous dans la raquette. Il y a plein d'endroits où il n'y a pas de centres spécialisés et l'objectif est de développer la filière", demande-t-elle.