Bonbons, sirops au goût alcool : "des tremplins pour inciter les jeunes à boire"

Des sodas aux bonbons en passant par les glaces, de nombreux produits sans alcool affichent pourtant un "goût alcool".
Des sodas aux bonbons en passant par les glaces, de nombreux produits sans alcool affichent pourtant un "goût alcool". © Capture d'écran Twitter
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De nombreux produits sans alcool mais au goût de cocktails sont aujourd'hui commercialisés en France. Un marketing "dangereux", estime le psychiatre et addictologue Laurent Karila.
INTERVIEW

Dans les rayons des supermarchés, difficile de passer à côté. Sirops goût caïpirinha, glace à la pina colada, yaourt au mojito… À chaque produit, son parfum de cocktail. Si elles ne contiennent pas d'alcool, et que rien n'interdit leur commercialisation*, ces douceurs peuvent avoir un impact négatif, notamment sur les enfants, alertent les addictologues jeudi dans Le Parisien.

Laurent Karila, psychiatre à l'hôpital Paul-Brousse APHP de Villejuif, dans le Val-de-Marne, et auteur de Tous addicts, et après ? estime que ce marketing est "dangereux", alors que l'alcool cause près de 50.000 morts par an en France, soit douze fois plus que la mortalité routière.

Cela peut-il vraiment inciter les jeunes à consommer de l'alcool ?

"Les histoires de vulnérabilité addictive sont liées à plusieurs choses, dont l'environnement et l'exposition précoce. Ici, tout est réuni. Cela ne veut pas dire que tous les enfants et tous les ados vont être attirés par ces types de produits, mais une partie va l'être.

Ce sont autant de tremplins pour inciter les jeunes à boire. Et c'est du vrai neuro-marketing. On modèle des neurones non finis, non pubères. C'est vraiment dangereux. Ça banalise complètement l'information. Sans compter que ces produits sont très sucrés, ce qui ajoute d'autres problèmes."

Une marque comme Lutti (numéro 2 du marché du bonbon, ndlr) se défend pourtant de viser un public mineur. Est-ce crédible selon vous ?

"C'est comme le Champomy, cette histoire. Les jeunes sont très fervents de ce type de marketing. Je ne vois pas pourquoi ils excluraient cette cible-là."

Y'a-t-il un manque de prévention autour de l'alcool aujourd'hui en France ?

"Tout à fait. La publicité pour l'alcool est très présente. C'est comme les pictogrammes pour les femmes enceintes sur les bouteilles. Ils sont tout petits : il faudrait faire quelque chose autour de ça.

Après, c'est toujours très compliqué de vouloir interdire, mais je pense qu'il faudrait retirer ce type de produits du marché et lever l'ambiguïté des industriels sur ce sujet. Je ne suis pas là pour diaboliser l'alcool, mais en termes de santé publique, c'est complètement fou."

* Selon la direction générale de la santé (DGS), ces produits, bien que sans alcool, devraient toutefois porter la mention 'l’abus d’alcool est dangereux pour la santé'.

 

Sodas, bonbons, glaces… Ces produits au goût alcool :