Le ministère de la Santé se veut rassurant : "Cette étude ne change rien aux actuelles conclusions[…] Rien ne démontre une dangerosité des vaccins". Pourtant, l’étude, commandée par l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament, et révélée vendredi par Le Parisien, risque bien de faire l’effet d’une bombe, alors que onze vaccins deviendront obligatoires à partir du 1er janvier prochain. Selon le service neuromusculaire à l’hôpital Henri Mondor de Créteil, à l'origine de l’étude, dans quelques rares cas et sur du long terme, l’aluminium présent dans les vaccins peut provoquer des effets neurotoxiques, "même à faible dose".
Les scientifiques, pourtant, ne se prononcent pas contre les vaccins, loin s’en faut. Ils demandent simplement un coup d’accélérateur sur la recherche. Et regrettent aujourd’hui que leurs travaux, livrés en mars à l’ANSM (et non rendus publics), n’aient pas été suivis d’effets.
L’aluminium dans les vaccins, une polémique toujours pas éteinte
Les vaccins actuellement distribués en France sont composés d’un certain nombre d’éléments : des substances actives issues de bactéries ou de virus, des conservateurs antimicrobiens qui empêchent la contamination des vaccins, et des adjuvants, sans lesquels certains anticorps ne se développent pas. Dans la majorité des vaccins, ces adjuvants sont composés de sel d’aluminium, qui permet de stimuler les mécanismes de l’immunité.
Le hic ? Même injecté à "faible dose" dans des muscles de souris, l’adjuvant aluminique "peut induire une accumulation d’alumium à long-terme et des effets neurotoxiques", note l’équipe scientifique citée par Le Parisien. "La dose ne fait pas le poison", poursuivent les chercheurs. Chez les souris qui ont présenté des troubles (le nombre n’est pas précisé), ont ainsi été constatées des apparentes douleurs musculaires, et surtout de la fatigue et un comportement anormal.
Ce n’est pas la première fois que le sel d’aluminium présent dans les vaccins fait l’objet de polémique et de nombreuses études ont déjà été menées. Au milieu des années 2000, le Comité consultatif mondial sur la sécurité des vaccins, puis l’ANSM, avaient épluché l’ensemble de la littérature alors existante sur le sujet pour aboutir à la même conclusion : le sel d’aluminium contient un risque "probable" d’entraîner une myofasciite à macrophages, une production de tissue liée à des lésions musculaires. Mais selon ces mêmes études, absolument rien ne permet de démontrer que la myofasciite à macrophages entraîne des troubles neurotoxiques.
Une histoire de gènes ?
Toutefois, le professeur Romain Gherardi, co-auteur de l’étude révélée vendredi, s’emploie à démontrer que les précédentes études n’avaient pas forcément fait attention à tout. Alors que l’on pensait que l’aluminium injecté restait là où il avait été injecté, c’est-à-dire dans le muscle, ses équipes tentent en effet de démontrer le contraire. En injectant des microparticules d’aluminium dans des souris, ils étaient déjà parvenus il y a plusieurs années à suivre leur parcours dans le corps. Résultat : si 50% de l’aluminium injecté reste dans le muscle, la moitié de l’hydroxyde d’aluminium passe visiblement par le sang circulant, atterrit dans le foie et la rate et, dans quelques rares cas, finit son chemin dans le cerveau.
" Ce que les gens détestent, c'est d'être contraints sans être convaincus "
L'étude révélée vendredi apporte, elle, des éléments nouveaux sur une autre hypothèse : il existerait un potentiel lien entre des troubles du cerveau et le patrimoine génétique. Certains gènes rendraient le cerveau plus "attirant" pour l’aluminium. Sept gènes sont en effet "surrepresentés" chez les souris affectés, nous dit Le Parisien. En clair, les chercheurs avancent qu’en ciblant les études sur des patients ayant un patrimoine génétique bien particulier, on pourrait enfin démontrer un lien entre le sel d’aluminium et des troubles neurotoxiques. Avec en filigrane une hypothèse à démontrer : les patients qui sont le plus susceptibles de ressentir des troubles sont, aussi, ceux qui développent une myofasciite à macrophages, cette lésion provoquée par l’aluminium et dont les précédents rapports des autorités assuraient pourtant qu’elle n’entraînait pas de troubles.
Une étude qui n’a (pour l’instant) pas été suivie d’effets
L’équipe du professeur Romain Gherardi ne demande donc pas l’arrêt de la vaccination mais des fonds (500.000 euros exactement) pour pouvoir continuer ses recherches. Et peut-être réussir à démontrer un jour que l’on peut identifier les quelques (rares) profils de patients qui ne tolèrent pas les vaccins contenant de l’aluminium.
Problème ? Depuis la remise de leur étude en mars dernier, les scientifiques n’ont toujours pas eu de retour de la part des autorités sanitaires. "Des approfondissements sont nécessaires", juge pourtant le conseil scientifique de l’ANSM dans son rapport sur cette étude, relayé par Le Parisien. "J'appelle la puissance publique à prendre ses responsabilités", renchérit aujourd’hui le directeur de l’ANSM, Dominique Martin. Quant au ministère de la Santé, également contacté par le quotidien, il se prononce "pour la poursuite des études". "Les questions doivent évidemment trouver des réponses", reconnaît-on au ministère sans plus de précision. Et d’insister, toutefois : "Il n’y a aucun argument scientifique à ce jour qui remet en cause l’innocuité des vaccins".
"Ce que les gens détestent, c'est d'être contraints sans être convaincus", commente, pour sa part, Romain Gherardi, peu convaincu. Et de conclure : "Si on leur disait : 'OK, certains posent problèmes mais on va faire des recherches et trouver des solutions', ils seraient moins méfiants".