"Les gens m’appellent en pleurs et me disent 'Je vous en supplie, aidez-moi à trouver une solution'. Ils ont peur qu’on les laisse tomber". Nathalie, bénévole à l’association Lyme sans frontières, raconte à Europe 1 le nombre croissant d’appels qu’elle reçoit, avec au bout du fil des patients en situation d'errance médicale.
La maladie de Lyme, transmise par les piqûres de tiques, touche chaque année environ 33.000 nouvelles personnes en France, selon le réseau Sentinelles, qui recueille les informations relayées par 1.400 médecins. Cette maladie bactérienne complexe, mal diagnostiquée et mal prise en charge, fait l’objet d’un plan national, annoncé par l’ex-ministre de la Santé, Marisol Touraine, en décembre dernier.
Parmi les actions prévues par ce plan, figure une mesure très importante pour les patients : la mise en place d’un nouveau protocole de soins, qui devait être présenté en juillet prochain. Le calendrier ne sera toutefois pas respecté.
Une publication "dans les prochains mois". "Les travaux se poursuivent avec les partenaires et les conclusions seront publiées dans les prochains mois", a déclaré à Europe 1 la Haute autorité de santé, sans donner davantage de précisions. Contacté, le ministère de la Santé n'a pas souhaité réagir dans l'immédiat. "Les réunions vont s’étaler jusqu’à fin septembre, et les conclusions seront bouclées en octobre", indique pour sa part Marie-Claude Perrin, présidente de l’association Lyme sans frontières, qui participe en tant que "malade experte" au groupe de travail chargé d’élaborer le nouveau protocole de soins.
Actuellement, le protocole de soins en vigueur depuis 2006 impose un test de diagnostic. Il s’agit du test Elisa, pourtant considéré comme peu fiable. "En cas de symptômes chroniques et invalidants survenant à la suite d’une piqûre de tique et en cas de négativité du test sur la maladie de Lyme, les patients sont aujourd’hui démunis pour que soit établi un diagnostic fiable de la maladie dont ils souffrent et que leur soit proposé un traitement adapté. Cela favorise l’errance médicale voire des recours à des tests non validés", indique ainsi le plan national.
"Il faudrait qu’on puisse offrir aux malades des solutions de dépistage accessibles rapidement : une analyse PCR avec recherche de l’ADN de la bactérie dans le sang, par exemple", estime Matthias Lacoste, président de l’association de patients Le droit de guérir.
"Si les membres du groupe de travail restent dans l’idée que le test Elisa est bon, ce sera catastrophique", abonde le docteur François Lallemand, très impliqué dans la lutte contre la maladie et qui a indiqué à Europe 1 avoir été récemment condamné par la Sécurité sociale à rembourser le traitement de patients qui avaient été diagnostiqués négativement par Elisa.
Reconnaître ou non la maladie comme chronique ? Autre point sensible : les antibiotiques. Le protocole de soins officiellement en vigueur limite les cures d’antibiotiques à trois semaines maximum. Les associations, elles, se battent pour que des traitements plus longs soient mis en place et que la maladie soit reconnue comme "chronique".
"Le traitement court préconisé actuellement marche pour le premier stade de la maladie, mais Lyme pose problème pour ses formes chroniques et la France ne veut pas les reconnaître", soupire le docteur François Lallemand, à qui il arrive de "prescrire des antibiotiques à des durées variables".
La partie semble, pour l’instant du moins, loin d’être gagnée. Marie-Claude Perrin, de l'association Lyme sans frontières, évoque une situation polémique au sein du groupe de travail, dont elle redoute l’issue. "En cas d’échec des négociations, nous redoutons la possibilité de deux options de soins concomitantes : le maintien de l’ancien consensus de 2006 et un nouveau protocole dont on se demande bien comment il sera appliqué pour les malades, et s’il sera remboursé".
La maladie de Lyme reconnue comme maladie chronique aux Etats-Unis
Le protocole actuellement en vigueur avait été calqué en 2006 sur les recommandations émises par un groupe d’experts aux Etats-Unis. Mais la position américaine a évolué depuis.
Le professeur Christian Perronne, spécialiste de cette pathologie émergente et chef de service en infectiologie à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches dans les Hauts-de-Seine, a souligné dans son livre La vérité sur la maladie de Lyme que ces recommandations avaient été récemment abandonnées outre-Atlantique. Et, en décembre 2016, le "21st century cures act" signé par Barack Obama a reconnu la maladie de Lyme comme une maladie chronique.