L'hydroxychloroquine pourrait être bientôt interdite en France. 4:32
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Le Haut conseil de la santé publique a recommandé de ne plus prescrire d’hydroxychloroquine contre le coronavirus, tandis que l’Agence du médicament souhaite suspendre les essais cliniques. Le professeur Funck-Brentano explique sur Europe 1 que "tous les signaux vont dans un sens qui n’est pas le bon".
INTERVIEW

Comme l’indiquait Europe 1 dès mardi matin, le Haut conseil de la santé publique a recommandé dans un avis de ne plus prescrire de l’hydroxychloroquine contre le coronavirus. L’Agence du médicament a de son côté annoncé vouloir suspendre les essais cliniques de ce traitement controversé. Conséquence : l’hydroxychloroquine pourrait être bientôt purement et simplement interdit en France. Le professeur Christian Funck-Brentano, directeur du centre d'investigation clinique AP-HP Sorbonne Université, a expliqué sur Europe 1 les raisons de cette mise en garde des autorités sanitaires.

"Je ne pense pas qu’on puisse dire que, sur la base des données collectées, l’hydroxychloroquine est certainement sans effet et certainement associée à une surmortalité. En revanche, on peut dire que tous les signaux vont dans un sens qui n’est pas le bon", a constaté le professeur.

Des études "qui ne vont pas dans un sens favorable"

Ces décisions font suite à la publication de plusieurs études, dont celle vendredi dernier dans la revue médicale The Lancet, jugeant inefficace voire néfaste le recours à la chloroquine ou à ses dérivés, comme l’hydroxychloroquine, contre le Covid-19. L'OMS avait, de son coté, annoncé lundi la suspension temporaire des essais cliniques avec l'hydroxychloroquine par mesure de précaution. "On lui reproche d’avoir des signaux dans des études observationnelles (comme celle du Lancet) qui ne vont pas dans un sens favorable", justifie le professeur Funck-Brentano.

Mais le professeur a tenu à "souligner que les études observationnelles", comme celle du Lancet, "ont des limites". "Elles sont importantes mais elles ne sont pas totalement conclusives. Le standard de l’évaluation d’un médicament est un essai clinique réalisé en double aveugle, versus un groupe témoin recevant le traitement standard plus un placebo", rappelle-t-il. "L’observationnel, c’est l’utilisation de grands effectifs de patients qu’on observe. Ces données, comme celle du Lancet et de Didier Raoult, sont intéressantes mais pas définitives", a prévenu Christian Funck-Bretano.

L’étude du Lancet "n’est pas du tout foireuse"

Le professeur Didier Raoult, fervent partisan du recours à l’hydroxychloroquine, a qualifié l’étude du Lancet de "foireuse". Un point de vue vivement critiqué par le professeur Funck-Bretano. "L’étude n’est pas du tout foireuse, il ne l’a peut-être pas assez bien lu. Si il considère qu’elle est foireuse, il considère que toute forme d’approche épidémiologique est foireuse", a-t-il taclé.

"Je vais prendre un autre exemple : la démonstration du lien entre le tabac et le cancer est issue d’études épidémiologiques, qui ont montré une association très ancienne entre le tabagisme et le cancer. Cette association a été confirmée comme étant causale par toute une succession d’études", a poursuivi Christian Funck-Bretano.

Didier Raoult a "vanté ce traitement sur la base d’études très préliminaires"

Mais alors, pourquoi Didier Raoult, infectiologue reconnu dans le monde entier, défend-il autant le recours à ce traitement ? "Didier Raoult a vanté ce traitement sur la base d’études très préliminaires, à titre expérimental. Mais quand on a des résultats expérimentaux, avant de les faire passer à l’évaluation clinique il faut réaliser des études. Il y a plein d’exemples de données expérimentales très prometteuses et quand on essaie de montrer qu’elles sont utiles pour l’homme, ne confirment pas cet intérêt", explique Christian Funck-Bretano.

Autre interrogation : les données publiées par Didier Raoult sont-elles fausses ? "Je ne peux pas répondre à cette question, et lui non plus", assure le professeur Funck-Bretano. "Pour y répondre, il aurait fallu qu’il fasse un essai clinique randomisé pour démontrer que les patients traités s’en sortent mieux que les patients non traités, or il ne l’a pas fait", soutient le professeur de l’AP-HP, qui a conclu en critiquant l’attitude de certains politiques, qui ont vanté le recours à l’hydroxychloroquine.

"Je trouve ça très dangereux, surtout quand un politique comme Donald Trump ou Jair Bolsonaro n’ont aucune légitimité pour parler de médecine. Je ne parlerai pas d ‘économie, chacun son métier. Ils ont des opinions et des croyances, mais ça n’a aucun poids".