QUESTION SEXO - Comment parler des insultes liées à la sexualité aux enfants ?

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Catherine Blanc
Jeudi dans "Sans Rendez-vous", la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc répond à la question d’une auditrice dont l’enfant est revenu de l’école avec une question surprenante : son petit garçon lui a demandé la signification du verbe "enculer".

Les questions des enfants sur la sexualité sont une expérience commune à tous les parents et elles les prennent souvent au dépourvu. Jeudi, dans l'émission "Sans Rendez-vous", Catherine Blanc aborde ce moment après une question de Cynthia, auditrice d’Europe 1. Son garçon a été confronté au terme "enculer" qu'on lui a adressé personnellement comme une insulte. Pour la sexologue et psychanalyste il est important de répondre aux interrogations de l'enfant et de lui expliquer le mot et son contexte.

La question de Cynthia

"Mon fils de 11 ans est rentré de l’école en me disant qu'un garçon un peu plus grand lui avait dit 'Je vais t’enculer' au cours d’une bagarre. Il ne sait pas du tout ce que cela veut dire, il m'a demandé des explications. Je suis un peu mal à l'aise, qu'aurais-je dû lui dire ?"

La réponse de Catherine Blanc

Tous les parents peuvent être confrontés à ce genre de situation. Ces questionnements des enfants sur la sexualité sont légitimes et même souhaitables : ils sont la preuve de la bonne communication et de la confiance régnant entre l'enfant et ses parents. Pourtant, cela ne manque pas d'encombrer les parents qui sont tout d’un coup pris par la soudaineté du questionnement. Au-delà du fait que son interrogation est relative à la sexualité, l’enfant est ici confronté à des mots particulièrement violents.

Comment réagir face à ces questionnements des enfants ?

Pour les parents, la déstabilisation peut souvent amener à une forme d’agressivité, car ils sont tentés de réprimander leur enfant : "On ne dit pas ça à la maison !" Mais l’enfant a déjà subi l’agressivité d’un de ses copains à l’école. Le but du jeu est de ne pas rajouter à l’agressivité par maladresse. La moindre des choses, quelle que soit la difficulté de certains mots, c’est d’expliquer le sens du mot.

Comment expliquer que ce mot soit si difficile à expliquer alors même qu’il figure dans le dictionnaire ?

Sa présence dans le dictionnaire ne suffit pas à le comprendre : l’enfant veut savoir pourquoi son camarade lui a envoyé à la figure. Il est important de dire à son enfant qu’il est normal qu’il ne connaisse pas le mot et que celui qui lui a dit ne le connait sans doute pas non plus. Il s’agit justement d’un mot sulfureux, car relatif à la sexualité et aux fesses. Son copain a donc cherché à le déstabiliser, à faire du terme une expression de pouvoir : il s’agit de mettre l’autre en situation d’infériorité d’une part en le confrontant à son ignorance et d’autre part en lui envoyant à la figure des mots cochons et vulgaires.

Alors que la sexualité en elle-même n’est pas une humiliation, ici elle prend l’autre par surprise : symboliquement, c’est une sorte de viol car on rentre dans une intimité quand l’autre ne s’y attend pas et n’en a pas le désir. D’ailleurs, cette expression signifie en réalité : "Je te réduis à l’état de fille." De même que l’accusation d’homosexualité est une façon de soumettre l’autre.

Si l’on explique le sens de l’insulte, doit-on craindre que l'enfant la répète ?

Il ne faut surtout pas punir l’enfant. Il faut simplement lui faire comprendre qu’il n’a pas, lui non-plus, à employer ce mot maintenant qu’il l’a compris. Si lui en connait désormais le sens, beaucoup de petits garçons et de petites filles ne sont pas dans ce cas. Surtout, cette insulte ne se dit pas et est hors contexte. C’est une manière d’introduire la notion de respect dans le verbe, de la même façon qu’on enseigne qu’il ne faut pas frapper ou bousculer. Les coups verbaux sont aussi violents que les coups physiques, c’est pour cela qu’il est très important d’en apprendre le sens.