Une opération du cœur sans anesthésie mais sous hypnose : c’est l’incroyable performance qui a été réalisée pour la première fois au CHU de Lille samedi. Grâce à une infirmière formée à l’hypnothérapie, le chef du service interventionnel de l’hôpital a pu remplacer avec succès la valve aortique d’un patient de 88 ans. "On est parti un peu dans l’inconnu pour être honnête. Finalement, l’intervention s’est déroulée comme d’habitude pour moi, les gestes étaient les mêmes. Et le patient va très bien", se réjouit Arnaud Sudre au micro d’Europe 1.
Mettre le patient en confiance. Cette performance médicale est d’autant plus remarquable que ce genre d’opération du cœur nécessite parfois une anesthésie assez lourde. "Le remplacement de la valve aortique peut se faire sous anesthésie générale mais depuis un an, on le fait sous 'anesthésie locale sédation' : on injecte des produits en perfusion qui permettent au patient de ne pas avoir mal et d’être décontracté", précise Arnaud Sudre. En complément de la lidocaïne, l’hypnose a permis d’obtenir les mêmes effets, sans avoir recours à une injection de morphine ou d’anxiolytiques.
Gérard Courtois, le patient, a pourtant raconté à France Bleu Nord qu’il n’était pas vraiment "chaud" quand on lui a proposé l’hypnose. Mais il s’est laissé convaincre par Hélène Sergent, l’infirmière spécialement formée à cette nouvelle pratique médicale. "Je suis allée le voir la veille. Nous avons discuté de son environnement, de ses passions, ce qui m'a permis de l'amener dans un monde qu'il aimait", a-t-elle expliqué à France Bleu.
Le patient avait "l’impression de voyager". Résultat, pendant l'opération, qui a duré une heure, le patient "a parlé de ses voyages avec son épouse", se remémore Arnaud Sudre, le chirurgien. "On ne savait pas trop si ça allait marcher et puis pendant l’opération, le patient s’est même mis à ronfler, preuve qu’il était parti très loin", ajoute le spécialiste, qui se dit "clairement impressionné". "Après l’opération, il m’a dit qu’il n’avait même pas eu l’impression d’avoir été opéré mais plutôt d’être parti en voyage !". Au cas où l’hypnose n’aurait pas fait effet, les équipes du CHU étaient prêtes à injecter à tout moment les produits anesthésiques habituels.
L’hypnose médicale, une branche en plein boom
L’hypnose ne sert pas uniquement pour les opérations délicates. Depuis quelques années, elle se développe dans plusieurs branches de la médecine, comme l’explique sur Europe 1 le docteur Jean-Marc Benhaiem, médecin hypnothérapeute et responsable du diplôme d’hypnose médicale à la Pitié Salpêtrière. "Nous formons aussi le corps médical à la pratique de l’hypnose. Et il y a de plus en plus de demandes", assure-t-il.
Selon lui, le succès de l’hypnose s’explique par ses effets, remarquables chez les personnes "les plus influençables". "Ça apparaît comme magique parce qu’il arrive que des patients aillent mieux après une seule séance", affirme Jean-Marc Benhaiem. Il cite le cas de patients "qui sont en souffrance, dans une impasse" et pour lesquels "il faut brouiller les croyances, le contexte précédent pour qu’ils retrouvent un autre équilibre". "Ça peut être radical comme ça peut échouer", résume-t-il.