Certains ont entamé leur tour de France depuis un mois, allant de prison en prison. D'autres les rejoindront uniquement samedi à Paris, pour une manifestation d'envergure : des milliers de personnes sont attendues au départ de la gare Montparnasse pour défendre "la Paix en Pays basque", mais surtout les droits des indépendantistes incarcérés dans l'hexagone. Deux trains spéciaux de 1.000 places ainsi que 65 cars ont été affrétés pour acheminer les manifestants, venant des deux côtés des Pyrénées et soutenus par plusieurs personnalités comme le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon ou l'humoriste Guy Bedos. Que réclament-ils ? "Ni plus ni moins que l'application du droit commun pour les prisonniers basques", résume Jean-René Etchegaray, maire UDI de Bayonne.
64 prisonniers en lien avec des attentats. "Alors qu'un processus de paix est en marche (L'ETA a renoncé à la lutte armée en octobre 2011, ndlr), les prisonniers basques sont considérés comme étant encore en lien avec une organisation terroriste et souffrent toujours d'un régime d'exception", renchérit Maritxu Paulus Basurco, l'une des avocates représentant les différents collectifs de détenus. Actuellement, 312 prisonniers et prisonnières basques sont incarcérés des deux côtés de la frontière, dont 62 en France, répartis dans une vingtaine d'établissements.
Presque toujours convaincus d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, ils purgent des peines allant de quelques années, pour ceux coupables de complicité, à la perpétuité, pour des attentats meurtriers. L'un d'entre eux, Jon Parot, 66 ans, détenu depuis 1990 pour sa participation à plusieurs attentats, vient de voir sa cinquième demande de liberté conditionnelle refusée. Un autre, l'Espagnol Ibon Fernandez Iradi, dit "Susper", 45 ans, échoue également à obtenir toute suspension de peine alors qu'il est atteint d'une grave sclérose en plaques.
"Exclus du dispositif" de liberté conditionnelle. Or, selon Me Paulus Basurco, une trentaine de détenus en France "pourraient être libérés, soit parce qu'ils sont gravement malades ou soit parce qu'ils peuvent bénéficier d'une liberté conditionnelle". "Mais ils ne sortent pas, parce que la loi a changé", estime-t-elle. "Avant, tout au moins en France, ils pouvaient bénéficier d'une libération conditionnelle comme n'importe quel détenu de droit commun". Mais "avec la nouvelle législation en matière de terrorisme, notamment la loi du 3 juin 2016 qui allonge les procédures d'obtention de la libération conditionnelle, ceux qui purgent une peine d'un à trois ans sont exclus du dispositif", déplore-t-elle.
En clair, le temps nécessaire à l'examen d'une demande de libération conditionnelle dans un dossier terroriste est souvent aussi long que la peine infligée au détenu. "S'il s'agit de longues peines, c'est la même chose. Comme la plupart des prisonniers basques sont condamnés à des peines de sûreté, ils ne peuvent demander leur libération conditionnelle qu'aux deux tiers de leur peine", précise l'avocate. "Nous sommes face à une situation inextricable."
Risque d'extradition vers l'Espagne. Deux autres problèmes sont soulevés par les manifestants : le refus de l'administration pénitentiaire de transférer les détenus, disséminés partout en France, vers des maisons d'arrêts et centrales proches du Pays basque, et le risque d'extradition au terme des peines : sur les 62 prisonniers français, 57 sont de nationalité espagnole et devront accomplir d'autres peines dans leur pays à leur libération. "Il faut une volonté politique. Nous voulons influer sur Paris et, par ricochet, sur Madrid", qui refuse tout dialogue sur le sujet tant que l'ETA ne se sera pas dissoute, affirme Jean-Noël Etcheverry, l'un des organisateurs du "tour de France des prisons".
Comme le souligne Libération, aucune arrestation de militant basque n'a eu lieu sous la présidence d'Emmanuel Macron. "Matignon et l'Elysée semblent aborder le conflit différemment", estime le maire de Bayonne interrogé par le même média. "Le climat de nos premières rencontres à la chancellerie a permis de poser un cadre de négociations. Récemment, la garde des Sceaux a levé le statut de détenu particulièrement signalé (DPS) de sept prisonniers basques." Une mesure encourageante mais "insuffisante" pour l'édile. "Désormais, nous attendons des actes forts."