"Virez-moi de votre dossier avant que je dépose plainte", "Avez-vous demandé mon autorisation ? Non", "Pourquoi je suis dans cette liste ?", etc. Depuis la publication de son étude sur l'impact numérique et médiatique de l'affaire Benalla, mercredi, l'ONG européenne DisinfoLab doit faire face à la colère de nombreux internautes, qui lui reprochent de les avoir "fichés". Jeudi, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) a confirmé sur Twitter avoir reçu des plaintes d'internautes à ce sujet.
Message important | La @CNIL a bien été saisie de plaintes concernant l’étude menée par @DisinfoEU. Pour une gestion optimale de l’instruction du dossier, il n’est donc plus nécessaire de saisir individuellement la CNIL à ce sujet. Merci de votre compréhension.
— CNIL (@CNIL) 9 août 2018
Cette semaine, l'ONG a en effet publié une étude dont le but est de savoir si l'affaire a été "instrumentalisée" ou non par une puissance étrangère. En analysant l'activité de très nombreux comptes Twitter, DisinfoLab en a finalement déduit, mercredi, que rien ne permettait de prouver une ingérence russe dans le volume "exceptionnel" de messages partagés sur le réseau social entre le 19 juillet et le 3 août.
4.000 comptes aux comportements disséqués. Sauf que les internautes dont le comportement sur le réseau social a été analysé pour le compte de cette étude n'ont pas vraiment apprécié le fait d'apparaître dans des listes disponibles sur Internet.
Surtout, près de 4.000 comptes ayant tweeté sur l'affaire Benalla sont analysés selon leur proximité avec les médias russes RT et Sputnik, leur lien avec la "désinformation" russe ou encore la propagation via leurs comptes de rumeurs pendant la présidentielle, comme le montre une capture d'écran de ce tableau Excel rendu disponible au téléchargement par l'ONG, et dont nous avons choisi de flouter l'identité des comptes recensés.
Une infraction à la Loi Informatique et Libertés ? C'est d'ailleurs la constitution d'une liste basée sur les opinions politiques d'individus, condamnée par l'article 8 de la Loi Informatique et libertés de 1978, que les utilisateurs de Twitter contestent.
Que le ou les fichiers aient été rendus publics n'importe pas: c'est leur constitution sur la base notamment d'opinions politiques réelles ou supposées qui est illégal! Cf art 8 loi informatique et libertés:https://t.co/MKaYRJU35L
— Helene Franco (@fdg_helenefr) 8 août 2018
L'ONG se dit "désolée". L'ONG, qui se targue de réunir "les meilleurs experts européens de lutte contre la désinformation", a récusé jeudi le terme de fichage, affirmant qu'elle comprenait "que cela puisse être interprété comme tel".
Nous ne réalisons pas de fichage mais nous comprenons que cela puisse être interprété comme tel, et en sommes profondément désolés.
— EU DisinfoLab (@DisinfoEU) 9 août 2018
La CNIL précise qu'elle instruira les plaintes "dans le cadre de la coopération européenne instaurée par le RGPD". Elle incite par ailleurs les utilisateurs de Twitter à alerter directement DisinfoLab sur son site, via le formulaire de contact. Une invitation déclinée par de nombreux internautes, qui refusent de donner leur nom et leur adresse mail à l'ONG… qui a recensé leur compte Twitter.