Il sera jugé pour au moins deux meurtres. Mais en a-t-il commis davantage ? Après ses aveux dans l'affaire Maëlys, mi-février, Nordahl Lelandais a reconnu mercredi avoir tué le caporal Arthur Noyer, disparu en avril 2017 à Chambéry. Deux victimes aux profils très différents, pour un meurtrier présumé qui déstabilise les enquêteurs. Inscrit en secret sur des applications de rencontres homosexuelles, le suspect fréquentait les boîtes de nuit et a, au moins une fois, suivi en voiture un homme qui avait refusé ses avances. Comme Arthur Noyer, d'autres fêtards auto-stoppeurs disparus ont-ils pu croiser son chemin ? D'autres victimes aux profils plus vulnérables, comme la petite Maëlys, sont-elles à déplorer ?
Pour tenter de répondre à ces questions, une cellule de coordination de la gendarmerie, baptisée "Ariane", est chargée de recouper le "parcours de vie" de Nordahl Lelandais et les disparitions et crimes non élucidés. Et, le cas échéant, de recueillir des éléments de preuve : dans les deux dossiers pour l'instant connus des gendarmes, ce n'est qu'acculé par de lourds indices que l'ancien maître-chien est passé aux aveux, après plusieurs mois de dénégations. Pour plusieurs pistes, notamment celles des disparitions d'Estelle Mouzin ou de Lucas Tronche, les enquêteurs ont déjà "fermé la porte" Lelandais, établissant l'impossibilité matérielle qu'il soit lié aux crimes. Mais d'autres dossiers sont toujours explorés. Europe 1 fait le point.
Quelles sont les pistes explorées ?
Les gendarmes travaillent d'abord sur des disparitions survenues en Isère ou en Savoie, aux alentours de la région où Nordahl Lelandais a passé la majeure partie de sa vie adulte. Les cas de Jean-Christophe Morin et Ahmed Hamadou, disparus respectivement en septembre 2011 et 2012 après un Festival de musique organisé en Savoie, intéresse particulièrement les enquêteurs. L'un des deux hommes connaissait Nordahl Lelandais de vue, selon un témoignage. Dans ces deux dossiers, les familles ont récemment porté plainte pour "enlèvement et séquestration", espérant un réexamen rapide par la gendarmerie. D'autres disparitions font l'objet de recoupements : celle d'Adrien Mourialmé, volatilisé dans la région du lac d'Annecy en juillet 2017, soit entre les meurtres d'Arthur Noyer et de Maëlys, celle de Malik Boutvillain, survenue en 2012 à Échirolles, en Isère, celle de Stéphane Chemin, en 2012 à Bourg d'Oisans, de Georgette Bonnet 79 ans, qui randonnait non loin de l'endroit où le crâne du caporal Noyer a été retrouvé, et celle de Nicola Suppo, un jeune Isérois disparu en 2010.
Mais des pistes sont également explorées dans le sud de la France, où Nordahl Lelandais a de la famille et effectuait des visites régulières. Des vérifications sont notamment effectuées dans le dossier Antoine Zoia, adolescent disparu début 2016 à Clarensac, dans le Gard. Si les recoupements concernent principalement les meurtres ou disparitions de jeunes hommes, ce critère n'est pas exclusif. L'affaire Coralie Moussu, Gardoise retrouvée morte dans le Rhône, intéresse aussi les gendarmes. À Valence, on s'intéresse à la disparition de Nelly Balmain, 29 ans, partie en scooter en août 2011 à Jean-en-Royans et celle d'Eric Folay, 48 ans, disparu le 16 septembre 2016 à Chatuzange-le-Goubet alors qu'il partait faire des courses.
Comment travaillent les enquêteurs ?
À Pontoise, en région parisienne, les gendarmes remontent les adresses de Nordahl Lelandais, mais aussi ses coordonnées bancaires et ses déplacements, en notant par exemple les endroits où il a pu être contrôlé ou recevoir une contravention. Un travail de fourmi qui devrait prendre plusieurs mois : une fois les données isolées, elles doivent être entrées dans le logiciel d'analyse criminelle Anacrim, qui permet des recoupements extrêmement précis. C'est cette démarche qui a récemment permis de relancer l'affaire Grégory, plus de trente ans après.
Que changent ces nouveaux aveux ?
"En général, les tueurs en série s'attaquent à un type spécifique de victimes", a expliqué le spécialiste du profilage criminel Stéphane Bourgoin, vendredi matin sur Europe 1. "Mais comme Michel Fourniret ou Francis Heaulme, on peut avoir des cas atypiques de tueurs qui vont s'attaquer à des victimes de sexe et d'âge différent." Malgré ces différences et les interrogations qui demeurent quant au déroulé précis des meurtres de Maëlys et d'Arthur Noyer, les enquêteurs disposent désormais d'éléments communs pouvant les guider : les faits se sont notamment passés de nuit et impliquent des déplacements en voiture. Des éléments qui peuvent affiner les recherches : dans les deux dossiers en cours d'instruction, le repérage de l'Audi A3 de Nordahl Lelandais s'est avéré décisif.