Un Français d'origine Tchétchène, naturalisé en 2010 et élevé à Strasbourg, dans une famille de réfugiés : ce sont les premiers éléments dont disposent les enquêteurs à propos de l’homme qui a attaqué des passants au couteau à Paris, samedi soir, tuant une personne et en blessant quatre autres. Selon Anne Giudicelli, directrice de la société de conseil Terrorisc, invitée d'Europe 1 dimanche soir, ce profil n'est pas atypique au regard des actions déjà commises par des membres de cette communauté.
"Une vraie tradition au sein de cet islam radical". "Les Tchétchènes représentent une communauté très importante dans l'histoire du djihad en général", explique la spécialiste. Dans les années 90, la république du Caucase est devenue un foyer de l'islamisme. Les Tchétchènes "sont reconnus comme étant des combattants aguerris. Dès l'époque d'Al-Qaïda, il y avait Chamil Bassaïev, qui était très proche de Ben Laden, par exemple. Il y a une vraie tradition au sein de cet islam radical violent", explique Anne Giudicelli.
"La déculturation est un terreau de radicalisation". Ils seraient entre 1.500 et 2.000 Tchétchènes à avoir rejoint les rangs de l'État islamique ces dernières années. Un nombre considérable quand on sait que la République caucasienne ne compte qu'un million d'habitants. Pour le chercheur Olivier Roy il y a une radicalisation spectaculaire de la jeunesse tchétchène liée, d'après lui, à l'histoire de cette communauté : "les Tchétchènes sont traditionnellement un peuple guerrier, ils ont mené une résistance considérable contre les Russes au début du XIX ème siècle", rappelle-t-il. "Ils ont ensuite été déportés par Staline au Kazaghstan et Ouzbékistan. C'est un peuple déraciné et il n'y a pas réellement de 'communauté tchétchène à l'étranger'", ajoute-t-il. "Il sont dans un état de déculturation et cela est un terreau de radicalisation".
"Ils ont beaucoup d'actions à leur actif, jusqu'à la mouvance État islamique", poursuit Anne Giudicelli. En janvier 2015, huit Tchétchènes avaient été arrêtés, soupçonnés de préparer une attaque contre la marche républicaine organisée après les attentats de Charlie Hebdo. "Il y a eu aussi un procès, il y a une dizaine d'années, qu'on a appelé le procès des filières Tchétchènes", retrace l'experte, évoquant "des éléments plutôt liés à Al-Qaïda et aux résidus des GIA."
"Repéré par des recruteurs en tant que Tchétchène". Au sein de la communauté tchétchène en France, comment identifier ceux qui se radicalisent ? "On n'en est plus tellement à penser en termes de communautés, aujourd'hui", répond Anne Giudicelli. "Ce qui est sûr c'est que l'individu avait probablement été repéré par des recruteurs en tant que Tchétchène. L'enquête établira quel a été le cheminement et les liens qui ont pu être mis en place avec des éléments de l'État islamique."
La diaspora tchétchène en France compterait au moins 20.000 personnes, notamment dans le sud-est, en Alsace et en Touraine. Mais selon les informations d'Europe 1, elle ne ferait pas l'objet d'une attention particulière des services de renseignement.
Quant aux déclarations du président tchétchène Ramzan Kadyrov, qui a estimé dimanche que "toute la responsabilité" de l'attaque revenait à la France, Anne Giudicelli y voit une manière de "se dédouaner de ses responsabilités". "Cette famille avait fui la Tchétchénie, il y avait peut être aussi une raison", souligne la spécialiste. "Lancer ce type de débat ne peut que servir les objectifs de ces mouvances radicales."