Didier Lombard risque un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende. 1:48
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Chloé Triomphe, édité par Antoine Terrel , modifié à
Le parquet a requis 75.000 euros d'amendes contre France Telecom et un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende contre les ex-dirigeants. S'adressant à l'ancien PDG Didier Lombard, la procureure a notamment décrit un dirigeant "sourd et aveugle" à la souffrance de ses salariés. 

Le parquet a requis vendredi les peines maximales contre France Télécom et ses ex-dirigeants, dont l'ancien PDG Didier Lombard, jugés pour "harcèlement moral", dix ans après plusieurs suicides de salariés.

"On ne peut que demander le maximum"

"Les peines prévues par la loi à l'époque des faits sont très faibles. On ne peut que demander le maximum", a déclaré la procureure Brigitte Pesquié. Le parquet a donc demandé 75.000 euros d'amende contre France Télécom, première entreprise du CAC 40 à être jugée pour "harcèlement moral", et un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende contre l'ex-PDG, l'ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès et l'ex-DRH Olivier Barberot.

"L'obsession" du départ en trois ans de 22.000 salariés et de la mobilité de 10.000 personnes "est devenue le coeur de métier des dirigeants de France Télécom", a déclaré la procureure Françoise Benezech, qui a lancé en début d'après-midi un réquisitoire à deux voix.

"Les dirigeants ont conscience qu'ils déstabilisent les salariés"

Didier Lombard, l'ex-PDG, Louis-Pierre Wenès, l'ex-numéro 2 et Olivier Barberot, l'ex-DRH, "les chefs incontestés de la politique d'entreprise managériale (...) peuvent qualifier leur agissement ainsi : le harcèlement moral est mon métier", a poursuivi la représentante de l'accusation. Et de tacler directement l'ex-PDG : "Quel dommage qu'un esprit aussi organisé que le vôtre ne se soit mis au service du seul impératif économique au point de vous rendre sourd et aveugle".

"Il est incontestable qu'en programmant la restructuration avec des suppressions massives d'emplois et des mobilités, (...) les dirigeants ont conscience qu'ils déstabilisent les salariés", a estimé Françoise Benezech. "Cela ne peut que (les) fragiliser", a-t-elle ajouté. "Vous avez conscience que vos méthodes vont dégrader les conditions de travail", a martelé la représentante de l'accusation. "En réalité, vous la recherchez cette déstabilisation", c'était "délibéré", a-t-elle asséné. Et de détailler ces techniques de déstabilisation, comme des mutations géographiques, l'absence de mission, ou encore des changements de poste visant à casser les repères des salariés.

Au cœur du procès, qui s'intéresse à la période 2007 - 2010 : les plans Next et Act, qui visaient à transformer l'entreprise en trois ans, avec notamment l'objectif de 22.000 départs et 10.000 mobilités. Pour les prévenus, il devait s'agir de départs "volontaires", "naturels", mais au contraire, pour les parties civiles, les ex-dirigeants ont mis la pression sur les salariés pour les pousser à partir. La plupart d'entre eux étaient fonctionnaires et ne pouvaient donc pas être licenciés. Et contrairement à ce qu'affirment les prévenus, "fin 2005 et début 2006, France Télécom n'est plus dans une situation économique menaçant sa survie. Et pourtant le mode de gestion de crise est maintenu jusqu'en 2009", a affirmé la procureure.

"À juste titre, on a parlé de procès historique"

C'est la première fois qu'une entreprise du CAC 40 est jugée pour "harcèlement moral". "Le but de ce procès est de démontrer que l'infraction pénale de harcèlement moral peut être constituée par une politique d'entreprise, par l'organisation du travail et qualifier ce que l'on appelle le harcèlement managerial", a expliqué Françoise Benezech. "Avec ce procès, vous allez faire preuve de jurisprudence. (...) À juste titre, on a parlé de procès historique", a encore déclaré la procureure. 

Le réquisitoire doit se terminer en fin de journée. Le procès, qui doit se terminer le 11 juillet, se poursuivra lundi avec les plaidoiries de la défense.