Le sort en est jeté, ou presque. Après des années de débat, la Commission européenne va proposer vendredi la disparition du changement d'heure dans l'Union européenne, a annoncé son président Jean-Claude Juncker. Une consultation, lors de laquelle huit Européens sur dix se sont prononcées dans ce sens, l'a convaincu d'agir. Et c'est l'heure d'été qui devrait être retenue pour devenir notre heure permanente. Alors que plusieurs pays ont déjà abandonné cette règle depuis 2008 (Russie, Tunisie, Egypte, Ukraine…), Europe 1 décrypte pour vous les inconvénients et les avantages de cette suppression.
Supprimer le changement d'heure, une bonne nouvelle pour...
… notre bien-être
C'est le principal argument des détracteurs du changement d'heure. Avancer d'une heure notre montre en été, puis la reculer d'une heure en hiver, serait une épreuve pour nos organismes. En cause, la perturbation de notre horloge biologique qui est calée sur l'heure solaire. Fatigue, troubles de l'alimentation ou de l'humeur en découleraient. Mais les conséquences peuvent être bien plus graves. Selon deux études parues en 2016, le nombre d'accidents cardiaques augmenterait le lundi suivant le passage à l'heure d'été. La première a relevé une hausse de 5% des infarctus, la deuxième rapporte 25% de crises cardiaques en plus.
D'autres études rapportent aussi davantage d'accidents du travail ou de la route après les changements d'heure. En 2016, la délégation à la Sécurité routière indiquait que "ces cinq dernières années, le nombre d’accidents corporels des piétons en novembre est supérieur de 3,1% au mois d’octobre. Pour la seule tranche horaire 17 h-19 h, cette augmentation est de 40%". Pour l'organisme, c'est bien le changement pour l'heure d'hiver qui est en partie responsable. Il fait tomber la nuit plus tôt, au moment de la sortie des classes ou du travail. L'hiver à lui tout seul concentre du coup le tiers des piétons tués en France. Une hécatombe qui pourrait se réduire si l'heure d'été devient notre heure permanente.
Enfin, conserver l'heure d'été aurait l'avantage de nous faire profiter davantage de la lumière du soleil en fin de journée et de synthétiser davantage de vitamine D, vitale à notre organisme.
… nos soirées apéro
Au printemps dernier, à l'occasion du changement à l'heure d'été, il s'était fait entendre. Olivier Fabre, maire de la commune de Mazamet dans le Tarn et fondateur de l'association européenne pour l'heure d'été, avait lancé une campagne médiatique afin de mettre en avant tous les avantages de repousser d'une heure nos horloges. "Pour la convivialité d’abord, nous sommes tous heureux de profiter du soleil, y compris tard en soirée ! L’économie du tourisme en bénéficie aussi car les gens sortent et consomment plus quand il fait jour", avait-il expliqué dans les pages du Parisien/Aujourd'hui en France.
Les gagnants de l'heure d'été se trouveraient donc du côté des brasseries, des restaurants ou encore des bars bénéficiant de terrasses mais aussi… du côté des fêtards et des pro de l'apéro qui disposeraient de lumière naturelle supplémentaire pour lever le coude. Mais les sportifs et notamment ceux pratiquant à l'extérieur profiteraient aussi de ces soirées plus lumineuses.
… et les agriculteurs
Le secteur agricole peste chaque année contre le changement d'heure, plus particulièrement les éleveurs. Certains soins à donner à heures fixes se retrouvent perturbés. Dans la production laitière, les traites ayant aussi lieu à horaires réguliers, "des baisses de rendement sont observées au cours de la phase de transition", relevait en 1996 le Sénat dans un rapport.
Dans ce même rapport, les élus de la Chambre Haute notaient que "les mêmes problèmes d'adaptation sont observés dans les hôpitaux, les crèches, les écoles et les centres de séjour de personnes âgées qui sont confrontés à des difficultés vécues".
Supprimer le changement d'heure, une mauvaise nouvelle pour…
... la consommation d'énergie
Ancré dans nos habitudes, le changement d'heure n'est pourtant pas très ancien. Il a été décrété en France en 1976 (avant une harmonisation européenne en 1998), en plein contexte de choc pétrolier. Son but était simple : faire faire des économies en consommation d'énergie en faisant correspondre les heures d'activités avec ceux du soleil.
Objectif atteint. Selon des chiffres datant de 2016, ce va-et-vient des aiguilles permet d'économiser par an environ 351 GWh en éclairage, soit 0,07% de la consommation totale d'électricité selon l'Agence de l'environnement de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Plus concrètement, puisqu'en été le soleil se couche plus tard du fait du changement d'heure, les Français sollicitent moins les ampoules de leur domicile et les communes allument plus tardivement leur éclairage public.
… pour l'environnement
La production d'électricité a un impact sur l'environnement en produisant du CO2, un gaz favorisant le réchauffement climatique. Et cet impact est même croissant : dans son dernier rapport sur ces émissions en France, Réseau de transport d'électricité (RTE) rapporte qu'elles sont en hausse pour la troisième année consécutive, de 20,5% en 2017. Et d'expliquer que la France a davantage recours à une production utilisant du charbon ou du gaz, plus polluante.
Le changement d'heure actuel, qui permet de faire reculer notre consommation d'électricité, est donc indirectement un bienfait pour l'environnement. "L'éclairage faisant appel à des moyens de production électrique en partie carbonés, ces économies représentent un gain de l'ordre de 50.000 tonnes de C02", a ainsi calculé de son côté l'Ademe.
… et pour notre coordination avec le Soleil
Conserver l'heure d'été et supprimer définitivement l'heure d'hiver mettrait la France en décalage important avec le soleil.
En effet, la France, avant sa décision de 1976, avait déjà une heure de décalage sur l'heure solaire. En 1945, Paris avait décidé de se caler sur GMT+1 heure dans un souci de compromis entre l'heure de Greenwich et l'heure allemande (GMT+2 heures). Avec le changement d'heure décidé en 1976, le décalage s'est aggravé : quand elle est en heure d'été, la France est en décalage de deux heures d'avec les horaires naturels.
A la clé, ce sont des "difficultés accrues", note le Sénat dans son rapport. L'heure d'été, pendant les jours plus courts de l'hiver, "aura pour conséquence que le lever du jour ne se produira qu'entre neuf et dix heures, heure légale, soit bien après le commencement des activités, notamment celui des horaires scolaires".