La cigarette électronique, c’est dehors. Depuis dimanche, l’interdiction de vapoter a officiellement été étendue aux espaces de travail collectifs, aux transports en commun et à tout établissement qui accueille des mineurs. Le décret issu de la loi santé du 26 janvier 2016 est enfin entré en vigueur. Et les vapoteurs devront prendre leurs "pauses clopes électroniques" hors de leur lieu de travail, comme le font les fumeurs. Si dans les faits, ce décret ne devrait pas changer grand-chose, il donne un cadre juridique à des interdictions déjà pratiquées depuis plusieurs années. Avec des sanctions à la clé. Décryptage.
Quels sont les lieux précis où il est interdit de fumer ?
Outre les écoles et les transports collectifs, sont concernés par le décret les "locaux recevant des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l’établissement, fermés et couverts, et affectés à un usage collectif, à l’exception des locaux qui accueillent du public". En clair, il est interdit de vapoter dans un bureau (sauf si l’on est son seul occupant) et dans n’importe quel lieu de travail fermé. En revanche, les salles de pause, halls, vestiaire, quais de gare et autre "locaux qui accueillent du public" ne sont pas concernés par ce décret. Dans ces cas-là, l’entreprise peut décider d’interdire l’e-cigarette dans son règlement intérieur, mais elle n’en est pas obligée par la loi. Idem dans les bars, les restaurants, les hôtels et les bureaux individuels : le vapotage n’y est pas interdit, sauf si l’entreprise le stipule dans un règlement intérieur.
Que risquent les vapoteurs ?
Dans les faits, de nombreuses entreprises et établissements publics interdisaient déjà le vapotage. C’est notamment le cas de la SCNF, la RATP ou Aéroports de Paris par exemple. Dès 2013, l’ANDRH, l’Association nationale des DRH, recommandait par ailleurs de traiter la cigarette électronique comme la cigarette normale, c’est-à-dire en demandant aux salariés de sortir vapoter dans un espace fumeur. Ce qui a changé depuis dimanche, c’est que salarié comme employeur s’exposent désormais à des sanctions.
Le salarié est ainsi menacé par une double sentence, prévue par la loi Santé : l’entreprise peut désormais lui délivrer un avertissement ; et il risque une amende pouvant monter jusqu’à 150 euros. L’employeur, lui, est soumis à une double obligation : faire respecter la loi en empêchant le vapotage, et mettre en place une campagne d’affichage dans l’entreprise afin de mettre les salariés au courant des risques qu’ils encourent. En cas de non-respect de ces obligations, il risque une amende pouvant aller jusqu’à 450 euros.
La loi est-elle facilement applicable ?
Dans les faits, toutefois, la traque à la cigarette électronique n’est pas gagnée d’avance, surtout dans les entreprises. Le seul moyen d’identifier une infraction - sauf en cas de flagrant délit - reste le visionnage d’images de vidéosurveillance ou la dénonciation. Or, toutes les entreprises n’ont pas de caméras. Quant à la dénonciation, si elle va peut-être de soi dans les entreprises qui ont déjà un règlement intérieur contraignant, ce ne sera peut-être pas le cas partout. "Je suis souvent le dernier à partir. Ça ne fait pas d’odeur, je ne me gênerai pas sauf si quelqu’un me dénonce", témoigne, confiant, Nicolas, salarié d'une entreprise de conseil en innovation digitale, qui n’avait pas banni le vapotage avant dimanche.
Lutter contre l’e-cigarette, bonne ou mauvaise idée ?
Si l’interdiction de la cigarette électronique dans les lieux d’accueil des mineurs fait à peu près consensus, celle dans les entreprises n’en finit pas de faire débat. En France, près d’un million de personnes serait adepte du vapotage, selon une étude publiée en 2015 par le magazine Addiction. Chez les jeunes, l’e-cigarette est souvent considérée comme un produit d’appel, qui rendrait addictif à la nicotine. Mais pour les adultes, la cigarette électronique est surtout utilisée pour diminuer, voire arrêter, la cigarette. Or, deux questions restent à l’heure actuelle toujours en débat : l’e-cigarette est-elle dangereuse et est-elle efficace pour arrêter de fumer ?
Sur ces deux points, les études s’enchaînent et ne se ressemblent pas. En 2015, des chimistes de Portland, aux Etats-Unis, suggérait que l'aérosol des cigarettes électroniques était cinq à quinze fois plus cancérogène qu’une cigarette normale. Mais cette étude a été battue en brèche par des chercheurs européens deux ans plus tard : les Américains ont testé des e-cigarettes à des niveaux de tensions (5 Volts) "irréalistes, qu’aucun vapoteur n’utilise", selon ces chercheurs. Avec une utilisation même élevée, la cigarette électronique serait, au contraire, 32% moins dangereuse que la cigarette.
Quant à son efficacité pour arrêter de fumer, le même flou persiste. La cigarette électronique pourrait avoir aidé quelque 18.000 fumeurs à cesser de fumer en Angleterre, selon une étude publiée fin 2016. Mais cette étude fut très critiquée, n’ayant pas été réalisée dans des conditions cliniques. En clair, les chercheurs ne sont pas parvenus à dire si ces personnes ont arrêté de fumer grâce à "l’e-cigarette" ou grâce à l’ambitieuse politique de lutte contre le tabagisme mise en place par le gouvernement.