D'avantage d’oral, un tronc commun pour l’ensemble des filières, des matières à la carte… La réforme du baccalauréat, prévue pour entrer en application en 2021, se dessine. Pierre Mathiot, ex-directeur de Sciences Po Lille, mandaté par le gouvernement pour élaborer des pistes de réforme, doit rendre sa copie mercredi, après avoir réalisé plus de cent auditions de syndicats d'enseignants, fédérations de parents d'élèves ou associations de professeurs. Plusieurs de ses propositions, qui devront encore être validées par l’Elysée et le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, ont déjà fuité dans la presse. Vers quoi se dirige-t-on ? Europe 1 vous résume les principaux points.
Un "grand oral" de fin d’année
Pour l’heure, le baccalauréat laisse la part belle à l’écrit, l’oral étant réservé aux épreuves de rattrapage, à certaines options et à l’une des deux épreuves de Français, en première. À l’avenir, l’oral devrait compter pour 15% de la note finale. Cet oral pourrait, selon plusieurs sources, porter sur plusieurs matières interdisciplinaires, par exemple une majeure et une mineure. En clair, il s’agirait de plancher sur une question, un texte ou des documents croisant plusieurs matières, mais en rapport avec un thème étudié toute l’année. Cela présuppose, donc, que les équipes pédagogiques élaborent des thématiques communes à plusieurs matières.
Cet oral, qui devrait durer 30 minutes, pourrait être préparé de manière collective, même si l'épreuve serait passée individuellement. Deux professeurs du lycée des candidats et une autre personne - qui pourrait être un Conseiller principal d'éducation, par exemple - le feraient passer. Les élèves des actuelles filières générales et technologiques seraient concernés par cette épreuve, qui devrait avoir lieu au mois de juin.
Six épreuves réparties tout au long de l’année
Le bac devrait en outre être "resserré" autour de quatre épreuves (comptant pour 60% de la note finale), dont l’oral. Les trois autres épreuves (écrites, donc) valideront deux matières principales, ainsi qu’une épreuve de philosophie commune à tous les élèves, le tout en terminale.
Cette même épreuve de philosophie ainsi que l’oral se tiendraient alors en juin, tandis que les autres pourraient se tenir plutôt au mois d’avril. Le reste des matières (40% de la note du bac) devraient être évaluées par un contrôle continu.
Le Français (une épreuve oral, une épreuve écrite) continuerait à être évalué en première.
Vers la fin des filières
Cette réforme du bac pourrait entraîner, de facto, une réforme du lycée dans son ensemble. Le découpage en trimestre pourrait laisser place à un découpage en semestre. Aussi, et surtout, les filières S, ES, L et "technologie" devraient disparaître. Dès la classe de première, les élèves auront le choix entre plusieurs matières et devront choisir deux "majeures" et deux "mineures", le tout de manière aussi cohérente que possible.
" Cela va obliger les lycées à se transformer "
Un tronc commun, qui devrait donc être validé en contrôle continu (excepté pour la philosophie), devrait enfin être imposé. "Tous les élèves assisteront, en plus de leurs spécialités, à un même ‘tronc commun’ de 15 heures en 1e et 12 heures en Terminale, incluant les maths, les langues vivantes, l’histoire-géographie, l’EPS, le français en 1e, et la philosophie en Terminale. Ils suivront aussi des heures consacrées à la méthode et l’orientation (2 heures en seconde, 3 heures ensuite)", détaille Le Parisien.
Une décision prise mi-février
Après une nouvelle série de consultations avec les organisations syndicales, Jean-Michel Blanquer doit annoncer sa réforme définitive vers la mi-février. Avec en tête un objectif bien précis : mieux préparer les élèves à leur vie futur, que cela soit l’enseignement supérieur ou le monde du travail. Pour l’heure, les avis sont contrastés au sein de l’Education nationale. Le Syndicat national des lycées et collèges (Snalc, minoritaire) se dit pour sa part favorable à "une spécialisation des lycéens", comme cela se dessine. La Fage, principal syndicat étudiant, se prononce aussi pour "sortir de la logique des séries (L, ES et S par exemple), qui créent des inégalités entre les différents bacs".
Du côté du Snes (majoritaire), en revanche, on s’inquiète du déséquilibre que pourrait entraîner la mise en place d’un tel parcours "à la carte". "Nous craignons un peu la création d’un lycée taillé pour les ‘initiés’", expliquait récemment à Europe 1 Frédérique Rolet, présidente du principal syndicat d’enseignants. "Les meilleurs élèves, qui ont des parents derrière eux, qui connaissent le système, pourront anticiper et fabriquer des parcours cohérents dès le début. Mais beaucoup d’élèves risquent de choisir des options par facilité, parce qu’ils trouvent une matière agréable, sans comprendre qu’ils se ferment des portes", alertait-elle, s’inquiétant également d’un déséquilibre entre les cours proposés par les établissements les plus "cotés" et ceux des autres.
Pour Eric Charbonnier, spécialiste de l’Education nationale à l’OCDE, contacté par Europe 1, ce qui est sûr, c’est que cette réforme "va pousser les lycées à se transformer". "Les équipes pédagogiques vont devoir se rencontrer plus souvent, avec les chefs d’établissements, pour débattre de ce qu’il y a de mieux pour l’élève", analyse le spécialiste1. Et de conclure : "cela peut conduire à une évolution majeure qui va davantage préparer les élèves à leur avenir".