Le salafisme, courant rigoriste de l'islam, compte quelques dizaines de milliers de fidèles en France. Cinq jours après les attaques terroristes de l'Aude, l'idée d'interdire cette idéologie religieuse rejaillit. L'ancien Premier ministre Manuel Valls, notamment, souhaiterait en faire une mesure symbolique.
Dans le département des Bouches-du-Rhône, deux mosquées ont été fermées ces derniers mois à Aix-en-Provence et Marseille, et un imam est en cours d'expulsion. Le préfet de police explique que les autres lieux de prières, qui restent dans le collimateur, présentent un niveau de radicalisation et de prosélytisme salafiste moindre. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils ne sont pas surveillés. En effet, les services de renseignements pointent la "salafisation" de l'islam dans les Bouches-du-Rhône, mais les autorités refusent de dire combien de mosquées ou de petites salles de prières sont visées, ni même où elles se situent.
Une pratique autorisée, mais qui inquiète
La République n'interdit pas le salafisme, qui ne rime pas forcement avec terrorisme. Il n'empêche qu'Abderamane Ghoul, vice-président du Conseil représentatif du culture musulman (CRCM) pour la région Paca, n'est pas du tout rassuré. Selon lui, la fermeture de la mosquée As-Sounna, en plein centre de Marseille, l'une des plus importantes, a eu pour conséquence de déplacer le problème. D'autres prédicateurs, certes moins virulents, disciples de l'imam El Doudi, en passe d’être expulsé, continuent de développer un salafisme algérien en multipliant les lieux de culte.
"Il y a trois ans, on comptait à 70 salles de prière à Marseille. Aujourd'hui, on est à 110, et près de 25 prêchent cette idéologie ! Ça va encore augmenter. Tous les jours, on voit des jeunes tomber dans le salafisme. Si on ne se donne pas les moyens pour combattre tout ça, la France va se retrouver avec l'islam qu'elle a voulu", avertit Abderamane Ghoul sur Europe 1.
Des méthodes pour lutter contre l'expansion du salafisme
Pour enrayer cette montée du salafisme, les autorités religieuses musulmanes insistent sur la formation des imams. Mieux vaut expulser un prédicateur qui prône un salafisme dur plutôt que de fermer des mosquées, qui ont pignon sur rue et qui peuvent être contrôlées. Dans les Bouches-du-Rhône, près de 600 individus sont inscrits au fichier pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Un chiffre qui se situe dans la moyenne nationale.
Par ailleurs, depuis quelques semaines, le préfet de police Olivier de Mazières teste un nouvel outil pour débusquer les jeunes en début de radicalisation. "Ce sont les cellules municipales d'échange sur la radicalisation qui permettent de les détecter au plus tôt, et de mobiliser des moyens publics pour éviter que cela dégénère. Les premiers retours sur les échanges entre les maires, la police municipale, les services du renseignement territorial et les services sociaux, sont extrêmement positifs", se réjouit-il au micro d'Europe 1. Plus d'une dizaine de villes du département jouent déjà le jeu.
La maire LR d'Aix-en-Provence, Maryse Joissains, salue ce maillage du territoire et la mutualisation du renseignement. Elle-même participe au dispositif mis en place par Olivier de Mazières. Elle souligne la porosité qui existe entre délinquance et radicalisation. Pour elle, "lutter contre la drogue est un élément important pour dépister les délinquants en herbe. Vous avez des jeunes de 12 ou 13 ans qui font les guetteurs pour le trafic de drogue. C'est un terreau favorable à la radicalisation postérieure", explique-t-elle, interrogée par Europe 1.
Toutefois, selon les services de police, les Bouches-du-Rhône ne présentent pas plus de risques qu'ailleurs. Depuis 2012, à Marseille, moins d'une dizaine de départs en Syrie ou en Irak ont été signalés, contre une centaine à Nice, près de 80 à Trappes, et une vingtaine à Lunel, dans l'Hérault.