Contraception : une application fait polémique après des grossesses non désirées

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G.S. , modifié à
Natural Cycles, seule application de contraception aux normes de l’Union européenne, prétend pouvoir prévoir les cycles de fertilité.

Fondée en 2014, l’application est utilisée dans plus de 160 pays, dont la France. Mais c’est de Suède que monte la polémique. Natural Cycles, seule application de contraception à avoir reçu le "marquage CE de l’Union européenne" (attestant qu’elle respecte les obligations de commercialisation), est accusée d’avoir provoqué plusieurs grossesses dans le pays. 37 femmes se sont rendues dans un hôpital pour avorter après avoir utilisé Natural Cycles, indiquent plusieurs médias dont le site High Tech américain The Verge et le journal suédois Siren. Le phénomène prend une ampleur telle que l'hôpital suédois Södersjukhuset a opéré un signalement à l'agence suédoise de régulation des produits médicaux, la MPA.

L’application, fondée par Elina Berglund, prix Nobel de physique après ses travaux sur les particules, prétend calculer les cycles naturels de fertilité des femmes. Il suffit de prendre sa température, de renseigner le cycle de ses règles et un algorithme fait le calcul pour vous. Lorsque l’utilisatrice est dans une période fertile, un code couleur rouge apparaît et l’application recommande de se protéger ou l’abstinence. En période verte, on peut avoir des rapports non protégés, car les risques de grossesse sont alors moindres. Attention : le test ne fonctionne que si vous êtes en bonne santé. 

" Aucune contraception n'est efficace à 100%, et les grossesses involontaires sont le risque malheureux de toute contraception "

Mais c’est là que le bât blesse : l’application – interdite aux moins de 18 ans - reconnaît elle-même une certaine marge d’erreur, car elle ne peut parfaitement prévoir la durée de survie du sperme ou les irrégularités des cycles menstruels. Et avec 37 grossesses non désirées sur 600.000 utilisatrices, Natural Cycles assure que cette marge d’erreur est respectée. "Aucune contraception n'est efficace à 100%, et les grossesses involontaires sont le risque malheureux de toute contraception. Natural Cycles a un indice de Pearl de 7, ce qui signifie qu'il est efficace à 93%", indique un porte-parole cité par Slate. "À première vue, le nombre mentionné dans les médias n'est pas surprenant étant donnée la popularité de l'application, et il demeure aligné sur nos taux d'efficacité. De même que notre base d'utilisatrices augmente, de même augmentera le nombre de grossesses involontaires chez les personnes utilisant Natural Cycles, ce qui est une réalité inévitable", se défend la société.

Ce chiffre de 93% provient d’une étude parue en 2016 dans la revue scientifique The European Journal of Contraception & Reproductive Health Care. Mais la communauté scientifique doute de sa fiabilité, tant on manque de recul sur cette pratique. Si ce chiffre était confirmé, cela ferait toutefois de l’application l’une des méthodes les plus fiables, derrière le stérilet et l’implant (99,9% de fiabilité), la pilule (94%) mais devant le préservatif (86%), trop souvent oublié par ceux qui ne misent que sur lui. La méthode Ogino (c’est-à-dire le fait d’éviter les rapports sexuels durant la période de fécondabilité) utilisée sans l’aide d’une application est, elle, estimée fiable à hauteur de 75%.