Coronavirus : le chef de la sécurité civile soupçonné d’imprudence sanitaire

L'affaire provoque un certain embarras au ministère de l'Intérieur...
L'affaire provoque un certain embarras au ministère de l'Intérieur... © CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
  • Copié
Guillaume Biet
Au moins six membres de la cellule de crise du ministère de l’Intérieur sont positifs au Covid-19. Parmi eux, le directeur général de la sécurité civile, accusé de ne pas avoir respecté les gestes barrière.

C'est une affaire qui provoque un certain embarras au ministère de l'Intérieur. Dans un article publié vendredi, nos confrères de Mediapart pointent du doigt le comportement ces dernières semaines du préfet Alain Thirion, directeur général de la sécurité civile (DGSC). Europe 1 a obtenu confirmation et précision de ces informations.

A la tête de 250.000 hommes (pompiers, secouristes, démineurs, agents de la protection civile spécialistes des crises…), le grand patron de la sécurité civile se sentait malade depuis un mois et s’est cependant affranchi des consignes sanitaires, nous assurent plusieurs sources au ministère de l'Intérieur. Dans la cellule interministérielle de crise (CIC), où travaillent environ 70 personnes pour gérer 24h/24 les conséquences de la pandémie, "il se tenait très près de ses interlocuteurs, touchant l'épaule de l'un, le stylo de l'autre... et surtout, il toussait en permanence !", raconte l’une de nos sources, confirmant les témoignages publiés par Mediapart.

Testé négatif deux fois

Il y a un mois jour pour jour, au lendemain de sa conférence de presse commune avec le directeur général de la santé, Alain Thirion aurait ressenti des symptômes grippaux. A l’époque, il subit un test au Covid-19 dont le résultat est négatif. Après quelques jours d’absence, il reprend sa place au sein de la cellule interministérielle de crise auprès des responsables chargés comme lui de gérer la situation.

Au même moment, comme l’a révélé Valeurs actuelles, un colonel des pompiers, l’un des piliers du Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) qui prend part lui aussi à la cellule de crise du ministère de l’Intérieur quitte son poste et est confiné car diagnostiqué porteur du virus. Les entourages de Christophe Castaner et Laurent Nuñez s’inquiètent alors de savoir s’ils ont pu être en contact avec lui et vérifient les agendas.

"Il voulait gérer cette crise lui-même"

Le préfet Alain Thirion, lui, poursuit son travail au sein de la CIC malgré ses symptômes. Quelques jours plus tard, il s’arrête une deuxième fois, toujours en raison de signes grippaux. Mais là encore il est testé négatif au Covid-19, selon nos informations. Ni télétravail, ni confinement par prudence, il retourne donc à la cellule interministérielle de crise, "suscitant parfois la gêne autour de lui", précise une source à Europe 1, tant il ne prenait pas de précaution. "Il voulait gérer cette crise lui-même", décrypte un autre de nos interlocuteurs.

Il faut dire que le directeur général de la sécurité civile est décrit comme un préfet au fort caractère, parfois peu apprécié par ses subordonnés dont certains lui reprochent ses méthodes de management. Il a fallu des consignes "venues d’en-haut", selon l’une de nos sources pour qu’il s’arrête une troisième fois, le 10 avril dernier. Cette fois, le test au Covid-19 s’est révélé positif. Entre temps, au moins quatre autres membres de la CIC ont été atteints par le virus, sans qu’il soit possible d’établir comment ils l’ont contracté.

Une opération de "décontamination"

Dans des conditions rocambolesques et sans qu’il soit encore clairement établi qui en a donné l’ordre, des équipes de la sécurité civile des Bouches-du-Rhône, des marins-pompiers de Marseille et des équipes du Var ont pris un avion mercredi 15 avril pour venir "décontaminer" les locaux de la cellule interministérielle de crise au cœur du ministère, place Beauvau, pourtant désinfectés chaque jour.

Selon nos informations, les responsables de l’Intérieur sont alors intervenus et les équipes de la sécurité civile ont été uniquement mobilisées pour "décontaminer" les bureaux de leur direction centrale, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), située rue de Miromesnil à quelques centaines de mètres du ministère de l’Intérieur dont elle dépend. Un épisode qui a suscité après-coup des incompréhensions chez les militaires des sapeurs-pompiers de Paris et au sein de la Préfecture de police dont les équipes auraient pu être sollicitées.

Harcèlement moral et sexuel

Le préfet Alain Thirion, actuellement en arrêt maladie, est aussi visé par une enquête préliminaire pour harcèlement moral et sexuel après la plainte déposée contre lui en décembre 2019 par l’ancienne sous-préfète de Calvi, tel que l’avait révélé Corse Matin.

Une affaire très rare dans le milieu préfectoral et qui concerne des faits qui se seraient déroulés entre 2015 et 2016 en Corse, d’après le récit de la plaignante. Nommé en juillet 2019 à la tête de la sécurité civile, Alain Thirion avait suscité des critiques internes à son arrivée car "sans expérience opérationnelle chez les pompiers", souligne Mediapart. Selon les informations recueillies par Europe 1, il devrait être amené à quitter ses actuelles fonctions "à l'issue de la crise sanitaire", nous précisent plusieurs sources.