Passage en force avec l'article 49-3, bras de fer entre syndicats et gouvernements, manifestations à répétition, blocages et pénurie... Face à la loi Travail, les remous n'en finissent plus en France. L'économiste Daniel Cohen, invité d'Anne Sinclair samedi, donne son avis sur la loi El Khomri.
"Mauvais départ". A la question de savoir si la loi est bonne ou mauvaise, le directeur du département économique de Normale Sup penche clairement pour la deuxième option : un échec, en tout cas au début. "Le point de départ a été franchement mauvais. Avec la première version, venue d'un gouvernement de gauche, on s'attaquait à peu près à tout : aux 35 heures, aux heures supplémentaires, aux prud'hommes, à la réglementation des licenciements." Seule mesure qui pouvait être sauvée à ses yeux, le compte personnel d'activité "qui était d'ailleurs plutôt une reprise". Bilan : "Elle était totalement déséquilibrée".
"Concurrence des entreprises sur le droit du travail". Aujourd'hui, si la loi a évolué, elle achoppe dans l'opinion sur son article 2 qui présente un changement de hiérarchie des normes en matière d'aménagement du temps de travail, avec un accord d'entreprise qui primerait sur l'accord de branche. "Cela peut être mauvais si cela débouche sur une mise en concurrence des entreprises les unes avec les autres sur le droit du travail".
Une loi qui ne permet pas "de ressourcer le syndicalisme". Selon l'économiste, ce ne serait pas néfaste en revanche en cas de syndicalisme fort. Or, "il manque dans cette loi la possibilité de ressourcer le syndicalisme". Et Daniel Cohen de rappeler qu'un militant syndical, plutôt marginalisé, effectue selon les études, une carrière moins brillante que ses collègues. "Le chèque syndical aurait permis de financer les syndicats et de donner une réelle force de représentativité. Il aurait été un élément complémentaire." Sans ce contrepoids, la loi reste pour lui "déséquilibrée" .
>> Projet de loi El Khomri : ce qu'il pourrait changer pour les salariés, à lire ici.