Didier a travaillé pendant 22 ans dans le même service. Chargé de la sécurité dans un CHU, il s’épanouissait professionnellement. Après ces 22 années, ses conditions de travail se sont rapidement dégradées à l'arrivée d'un nouveau chef de service. En l’espace de trois ans, il a été démis de toutes ses responsabilités. Didier est tombé en dépression et a fait plusieurs tentatives de suicide. C’est pour ces raisons qu’il est en arrêt de travail depuis six ans. Sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Didier évoque le harcèlement et sa souffrance au travail.
"J'ai commencé ma carrière chez les sapeurs-pompiers de Paris en 1986, où je me suis épanoui professionnellement. Je suis entré au CHU en 1992. On m'a confié des fonctions de responsable sécurité. J'ai été désigné pour mettre en place la sécurité incendie dans l'établissement, la formation des personnels, le respect des règles de sécurité, etc. J’étais reconnu par ma hiérarchie et mon travail était très épanouissant. Au bout de cinq ans, on m'a confié la responsabilité de trois autres établissements hospitaliers, en particulier des maisons de retraite.
En 2010, un nouveau chef de service est arrivé. Un jour, j'apprends par un collègue que je n'étais plus responsable des établissements pour personnes âgées pour lesquels j'avais travaillé pendant 22 ans. Entre 2010 et 2013, ce nouveau supérieur m'a retiré mes responsabilités les unes après les autres. Sans aucune explication. En plus, ce n'est même pas lui qui me l’a dit en face. Ça m’a complètement cabossé. J’étais au fond du trou. Les trois premières années, j'ai accepté. Je culpabilisais tellement. Je me disais que c’était de ma faute.
" J’ai fait quatre tentatives de suicide "
Mes premiers arrêts de travail ont commencé en février 2013. À partir de là, tout s'est écroulé. Au moins trois fois par jour, j’allais vomir tellement mon stress était important. J'arrivais au travail le matin, je ne savais pas ce que j'allais faire. Je ne recevais plus de mails, plus de coups de téléphone. J'étais complètement mis à l'écart. On ne me parlait plus. Quand j’arrivais à la cafétéria, tout le monde arrêtait de parler. Mon chef ne m'adressait plus la parole. J’étais une ombre.
Mes collègues se sont retournés contre moi parce qu'ils ont accepté cette façon de travailler qui n'était pas bonne. On foutait en l'air ce qu'on avait créé pendant des années. Le plus malheureux, c’est qu’avant que ce chef arrive, on sortait et on mangeait ensemble avec ces collègues. On se voyait le weekend. Pour l'instant, ma vie ne ressemble plus à rien. J’ai fait quatre tentatives de suicide. Dans ces moments, on ne réfléchit pas. On prend une grosse dose de médicaments, on avale une bouteille de whisky et on s’écroule.
" J'ai alerté ma direction à quatorze reprises "
Les problèmes liés à ce service étaient connus de la direction. Il y a eu beaucoup d'enquêtes à partir de 2013 à la suite du suicide d'un autre agent. J'ai alerté ma direction à quatorze reprises, à tous les niveaux hiérarchiques, et je n'ai eu aucun retour au sujet de ma souffrance au travail et du harcèlement que je subissais. J'étais dans une telle souffrance morale, physique et psychologique. Ça a duré comme ça pendant un an et demi. J’ai été arrêté définitivement en juin 2014. J’ai commencé à faire des tentatives de suicide en 2013.
J'ai fait une déclaration d'accident du travail en 2014. Sans réponse de mon administration, j'ai saisi moi-même la commission de réforme pour faire reconnaître mon syndrome dépressif en accident du travail. Mon employeur m'a demandé de passer une expertise médicale. Elle était favorable et reconnaissait que ma dépression était en lien avec le travail. Malheureusement, la commission de réforme a donné un avis défavorable. Ils m'ont clairement dit qu’ils n’étaient pas compétents pour reconnaître un harcèlement moral comme cause d’une maladie imputable au service.
J'ai pris un avocat et j'ai contesté cette décision devant le tribunal administratif. Toutes ces démarches administratives m’ont foutu en l’air. Pendant cette période, j'ai fait deux tentatives de suicide, dont une où j'ai fini en réanimation. Le tribunal a fini par annuler la décision et a demandé au CHU de réexaminer ma situation. Ils ont émis un nouveau refus. Le tribunal a enjoint mon employeur de reconnaître la maladie imputable au service au bout de quatre ans et demi. Ce que le CHU a fait. Ça m’a usé, ça m’a tué."