En Loire-Atlantique, l'histoire en rappelle une autre. Près de six ans après l'assassinat d'une mère et ses quatre enfants et la disparition du père, Xavier Dupont de Ligonnès, suspect numéro un et toujours introuvable, y aura-t-il une "affaire Troadec" ? Quatre membres de cette famille résidant à Orvault, près de Nantes, n'ont plus donné signe de vie depuis le 16 février. Deux jours après l'ouverture d'une enquête pour homicides volontaires, enlèvements et séquestration, les profils du père de famille et de son fils intéressent particulièrement les policiers.
Des traces de sang sommairement essuyées. L'alerte a été donnée jeudi, soit une semaine après que les parents, leur fils de 21 ans et leur fille de 18 ans, ont cessé de répondre au téléphone. Des agents se rendent alors au domicile des Troadec, dans un quartier résidentiel de cette commune située au nord de Nantes. Dans la maison vide, ils découvrent une paire de chaussettes et un téléphone maculés de sang. Sous l'escalier, des traces roses, de sang sommairement essuyées. Et devant la bâtisse, seules deux voitures sur les trois que possédait la famille : aucune trace de la Peugeot 307 de Sébastien, le fils.
Autres détails troublants : dans la maison, où la famille vivait depuis une dizaine d'années, aucun drap ne recouvre les lits. Dans la salle de bain, les enquêteurs ne trouvent ni brosse à dents, ni brosse à cheveux. Plusieurs aliments contenus dans le réfrigérateur sont périmés. Le chauffage est coupé et des draps, pas tout à fait secs, sont étendus à l'intérieur. Du linge humide se trouve encore dans la machine à laver. "C'est comme si la maison s'était arrêtée de vivre à un instant T", souffle le procureur de Nantes, interrogé par Presse Océan.
Un père dépressif, en conflit avec son fils. Dimanche, le même procureur a confirmé que "les traces de sang retrouvées appartiennent aux membres de la famille", jugeant qu'il n'était "pas possible à ce stade, de déterminer avec précision le déroulement des faits". Toutefois, les enquêteurs se penchent particulièrement sur deux des quatre disparus : les hommes Troadec, décrits par les proches et témoins auditionnés comme psychologiquement instables. Il y a tout d'abord le père, salarié d'une entreprise privée, qui aurait dû reprendre le travail lundi. Selon des voisins, il aurait souffert de "troubles dépressifs par le passé." De bruyantes disputes avec son épouse ont également été rapportées aux policiers.
À propos de son fils son fils Sébastien, étudiant en BTS informatique, les témoins entendus évoquent des "fragilités psychologiques" et un "pétage de plombs" il y a quelques années. Le jeune homme avait proféré des menaces de mort à l'encontre de tout son lycée sur son blog, affirmant vouloir "buter tout le monde". Selon Le Parisien, il avait été condamné à des travaux d'intérêt général. En examinant le compte Twitter du jeune homme, les enquêteurs ont par ailleurs relevé plusieurs messages évoquant une mésentente profonde avec son père.
"Vivement ma mort, la vie me saoûle". "Punaise hier de 2h du mat à 20 h mon père gueuler j'arrêter pas dlui dire ferme ta gueule il continuati à brayer*", écrivait par exemple Sébatien en 2013, ou encore "Mes parents gueule tout le temp et boivent*." Visiblement déprimé, il publiait sur le réseau social, la même année "Putain vivement ma mort, la vie me saoûle*" ou "Si ont savait ce qui se passer réellement dans ma tête ont me prendrer pour un fou sans morale*". Le jeune homme, décrit comme "un peu spécial, dans son monde" par une amie de sa sœur, se livrait aussi régulièrement sur un forum de jeux vidéos. Le 16 février, son téléphone est le dernier à avoir été désactivé.
Interrogés par Europe 1, des amis de Sébastien nuancent ce portrait, décrivant quelqu'un de "gentil". "Je ne le vois pas tuer ou kidnapper quelqu'un", assure l'un d'entre eux. À la lumière de ces éléments, la priorité des enquêteurs est pourtant de retrouver le véhicule du fils, activement recherché sur l'ensemble du territoire, sans succès jusqu'à présent. D'après le procureur, "toutes les hypothèses envisageables" sont pour l'instant toujours retenues dans ce dossier, qui semble pourtant pencher lourdement vers la piste du drame familial.
(*) Les fautes d'orthographe ont été conservées.