En deux jours, le mystérieux assassinat d'une joggeuse, non résolu depuis fin octobre, a connu un dénouement tragiquement ordinaire. Alexia Daval, employée de banque de 29 ans, dont le corps avait été retrouvé partiellement brûlé sous des branchages d'un bois de Haute-Saône, a été tuée par son mari, Jonathann. "Le meurtre est banal, ce qui fait le sel de cette affaire, c'est le mensonge", analyse sur Europe 1 Dominique Rizet, journaliste spécialiste des questions de justice. Car avant d'avouer, mardi, l'époux a fait croire à une disparition lors d'un jogging, faisant naître la crainte chez certaines habitantes de la région. Selon ses dernières déclarations, encore empreintes de zones d'ombre, il aurait en fait étranglé la jeune femme après une violente dispute, dans un contexte de vive tension.
"Une crise qu'il n'a pas su gérer" pour l'avocat. Après un peu plus d'une journée de garde à vue, l'annonce des aveux est venue de l'avocat de Jonathann Daval, Me Randall Schwerdorffer. "Il y a juste un garçon qui perd pied, un accident", a déclaré l'avocat face à la presse, mardi soir. "Oui, il l'a étranglée, dans ce qu'on peut appeler des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner et après il a été dépassé par tout, entre l'envie d'appeler les gendarmes et la peur de les appeler, la peur de voir toute sa vie détruite." Et d'ajouter : "Alexia avait une personnalité écrasante, il se sentait complètement rabaissé. À un moment, il y a eu des mots de trop, une crise qu'il n'a pas su gérer."
Quelques minutes plus tard, l'Agence France Presse, relais de beaucoup de médias, notamment en ligne, a transmis l'information sans en changer la formulation, largement conservée dans les titres : "Meurtre d'Alexia Daval : le mari a avoué avoir tué son épouse par accident".
Des "éléments de langage" repris par les médias. "Le fait de parler d'accident alors qu'il s'agit d'un meurtre minimise les faits. Mais ça, c'est une stratégie d'avocat", explique à Europe1.fr Aude Lorriaux, porte-parole de l'association Prenons la Une, qui milite pour une juste représentation des femmes dans les médias. "Ce qui pose problème, c'est le fait que les journalistes reprennent parfois ces éléments de langage sans les interroger ou les encadrer et sans la contextualisation qui s'impose, sur le nombre de femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint*."
La réflexion est partagée par la journaliste Titiou Lecoq, qui recense méthodiquement les meurtres de femmes tuées par leur compagnon ou ex-compagnon pour Libération depuis plus d'un an. Invitée d'Europe 1, mercredi matin, elle s'est dite favorable à l'utilisation du terme de "féminicide", sans valeur juridique mais qui permet de "mettre en valeur le fait qu'il y a un point commun entre toutes ces histoires". Et de dérouler : "Ça n'est pas un drame, ça n'est pas un accident. C'est un crime, un meurtre. Ce n'est pas 'passionnel'. Il y a tout un vocabulaire à revoir."
"Proprement scandaleux" pour Marlène Schiappa. Ces militantes, soutenues par de nombreux internautes qui ont fait part de leur indignation sur les réseaux sociaux, ont reçu le soutien de la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. "Nous dire : 'elle a une personnalité écrasante et c'est pour cela qu'elle aurait été assassinée', je trouve ça proprement scandaleux", a-t-elle commenté mardi matin. "En disant ça, on légitime les féminicides, on légitime le fait que tous les trois jours, il y a une femme qui soit tuée sous les coups de son conjoint."
Des propos jugés "inadaptés" par Randal Schwerdorffer. "Beaucoup de personnes parlent et créent des polémiques à ce sujet, sans connaître les tenants et les aboutissants du dossier", a-t-il réagi. "Beaucoup de journalistes savaient les violences au sein du couple, et qu'Alexia était à l'origine de ces violences." Mercredi, l'avocat a toutefois reconnu qu'il ne s'agissait "pas d'un accident", reprenant l'expression de "violences volontaires". Mais aux yeux du parquet, la qualification reste insuffisante : Jonathann Daval a été mis en examen pour "meurtre sur conjoint".
*Les femmes restent les premières victimes des violences au sein des couples: 123 femmes ont été tuées par leur compagnon, ex-compagnon ou amant en France en 2016, soit une tous les trois jours.
Alexia Daval, Fiona, famille Flactif : quand les proches éplorés deviennent des suspects :