"La dictée quotidienne doit devenir une réalité dans nos écoles primaires". Mardi, le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer a remis sur la table un engagement qu'avait déjà pris sa prédécesseure, la socialiste Najat Vallaud-Belkacem, en 2015. À l'époque, l'annonce avait "abasourdi" les syndicats. Deux ans après, le sujet divise toujours.
Un constat sans appel. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon les tests réalisés par le ministère et publiés en novembre 2016, à l'entrée en collège, les CM2 faisaient, lors d'une même dictée de 67 mots, 10,6 fautes en moyenne en 1987, 14,3 en 2007 et 17,8 en 2015. La catégorie des écoliers faisant au moins 25 fautes est elle passée de 5,4% en 1987 à 19,8% en 2015. La preuve, s'il en est, d'un déclin du niveau des élèves en la matière.
Une idée peu novatrice. En France, l'exercice de la dictée déchaîne souvent les passions. "On laisse toujours entendre, comme on le fait du calcul mental, que la dictée aurait été abandonnée. Or, la dictée est toujours pratiquée", rappelle Francette Popineau, co-secrétaire générale et porte-parole du SNUIPP-FSU, premier syndicat dans le primaire, sur BFMTV. "On aurait espéré dans le volontarisme pédagogique affiché par le ministère, des orientations un petit peu plus novatrices", ajoute la syndicaliste.
"Les enseignants ne savent plus qui croire". Pour améliorer le niveau d'orthographe des petits Français, nul besoin de grandes idées novatrices, défend pourtant Pierre Favre, le président du SNE-FGAF (syndicat national des écoles). "Depuis les années 1970, l'angoisse de l'État et des enseignants face à la défaillance du système éducatif a permis toutes les hypothèses les plus farfelues", souligne-t-il auprès d'Europe1.fr. "Les formations ne font que montrer le stress engendré par la dictée. C'est un exercice qui est trop souvent connoté à une souffrance des élèves, car le système de notation favorise la sanction plutôt que la réussite. Les enseignants ne savent plus quoi faire, ne savent plus qui croire, et se torturent en cherchant sans cesse de nouvelles méthodes parfois compliquées. Mais il n'y a pas besoin d'aller chercher midi à 14 heures", insiste-t-il, particulièrement satisfait des annonces ministérielles.
" Faire une dictée courte par jour permet à l'enfant de dédramatiser l'exercice "
"Pratiquée au quotidien, le stress disparaît". Et le syndicaliste de rappeler qu'entre faire une ou deux dictées par mois et pratiquer l'exercice tous les jours, la différence est significative. "Quand elle est pratiquée au quotidien, le stress, l'angoisse et l'enjeu disparaissent. Faire une dictée courte par jour permet à l'enfant de dédramatiser l'exercice et de prendre confiance", assure le président du SNE-FGAF. "Comme un pianiste répète ses gammes, comme un footballeur répète ses dribbles, la ritualisation permet d'automatiser les gestes et les acquis. C'est une gymnastique de la main et de l'esprit", plaide-t-il encore.
Plusieurs systèmes de notation permettent également de dépasser cet aspect purement coercitif. "On peut décider que seuls un certain nombre de mots comptent, et de ne pas compter les fautes d'orthographes dont les règles n'ont pas été abordées en classe, par exemple. On peut également noter les mots bien écrits, en soulignant que, sur une dictée de 100 mots, 87 ont été correctement orthographiés", avance Pierre Favre, qui ajoute : "Faisons confiance aux enseignants !".
" L'annonce du ministre est surtout faite pour rassurer les nostalgiques "
"Ce n'est pas l'alpha et l'oméga". Mais pour Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-UNSA, "l'annonce de Jean-Michel Blanquer est surtout faite pour rassurer les nostalgiques. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga", affirme ce professeur des écoles de 43 ans, qui ne se dit pas non plus totalement opposé à la dictée quotidienne… en CP et CE1, seulement.
"Quand on avance dans la scolarité, les textes sont forcément plus longs. Le temps de faire la dictée et de la corriger, c'est minimum 45 minutes", note-t-il. Un temps qui n'est ainsi pas consacré à d'autres exercices qu'il juge aujourd'hui plus pertinents, comme la production d'écrits personnels. "L'étude internationale Pirls dévoilée mardi pointe davantage un problème de compréhension des élèves. Or, la dictée ne permet pas de travailler la question du sens", réagit-il. "Lire, être questionné sur son texte, justifier ses réponses, débattre : ça, c'est absolument essentiel". Le plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles, promis mardi par Jean-Michel Blanquer, ne manquera pas d'être scruté avec attention.