"Scandaleuses photos de l'éducation sexuelle telle qu'enseignée dans nos écoles publiques !", écrit lundi 10 février Civitas sur son site internet en montrant une femme mimant des positions sexuelles devant une classe. L’"information" a fait le buzz avant d’être démontée par le site Debunkersdehoax, spécialisé dans la chasse aux rumeurs lancées par les groupes d’extrême droite : les photos ont été prises au Canada, preuves à l’appui.
Des cours en anglais. Un détail va à l’encontre de la thèse avancée par Civitas : sur le tableau on peut lire les lettres HIV/AIDS. Autrement dit VIH/SIDA, mais dans la langue de Shakespeare. Les photos n’ont donc pas été prises en France, mais dans un pays anglo-saxon. Afin de cibler l’origine précise de ces photos, le site Debunkersdehoax a recherché l’intervenante qui y apparaît.
L'enseignante n'en est pas une. La personne sur les photos n’est ni enseignante, ni française, mais tenancière de sex-shop et canadienne. Elle se nomme Carlyle Jansen et outre son activité commerciale, elle organise des conférences pour les lycéens canadiens, destinées à sensibiliser les adolescents aux maladies sexuellement transmissibles, à la sexualité et au plaisir. Des sujets sensibles pour les catholiques intégristes.
Civitas n’en démord pas. Les affirmations de l’organisation intégriste ne tiennent donc pas face à la vigilance des internautes. Toutefois, Civitas garde le cap : "Et pour en revenir à ces photos, qu'elles soient prises dans une école canadienne n'enlève rien au problème. Ces photos ne sont pas truquées. Elles illustrent les dérives auxquelles mènent ces cours d'éducation sexuelle", peut-on lire sur le site.
Pris en faute, Civitas contre-attaque, et se place en David : "Quelques médias du système ironisent parce que Civitas diffuse des photos prises au Canada et non en France. C'est vrai que quelques jours nous ont été nécessaires pour situer précisément l'endroit où ont été prises ces photos. Nous n'avons pas les moyens des médias du système". Le site ajoute que ces derniers sont d’ailleurs "incapables de remarquer que Najat Vallaud-Belkacem nie l'existence de la théorie du genre alors qu'elle a elle-même précédemment défendu cette théorie du genre dans ces mêmes médias du système", tentant ainsi de relancer une autre rumeur.
Une communication choc. Car Civitas n’en est pas à son coup d’essai. Le groupuscule avait déjà apporté son soutien à l'initiative "Journée de retrait de l'école", basée sur une rumeur : l’arrivée à l’école de l’enseignement de la "théorie du genre". L'idée a pris une telle ampleur que le ministre de l’Education a dû prendre position pour éviter que les parents ne retirent leur enfant des classes. La diffusion d’informations chocs sur internet et les réseaux sociaux est classique dans la propagation de la rumeur, comme l’a rappelé à Europe1.fr le sociologue Gerald Bronner. "En jouant sur les peurs fondamentales, les groupes radicaux cherchent à canaliser l’attention du public sur leurs thématiques", explique le spécialiste. Pourtant, bien que les médias traditionnels et les sites de hoax (vérification des informations diffusées sur internet) s’attachent à rétablir les faits, la communication virale des groupes d’extrême touche un public toujours plus large.
ZOOM - Théorie du genre : les rumeurs n'ont pas influencé les Français
DECRYPTAGE – La "théorie du genre", c'est quoi ?
ANALYSE - "Théorie du genre" : nos réponses aux rumeurs
LES FAITS - Cette rumeur qui affole les parents d'élèves
DECRYPTAGE - Un rapport de l'OMS à l’origine de la rumeur
INTERVIEW - Vallaud-Belkacem "scandalisée" par Copé
ACTU - Peillon veut convoquer les parents qui boycottent