Erwan a surmonté son alcoolisme : "Il n'y a qu'une guérison, c'est l'abstinence"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Après 25 ans d’addiction à l’alcool, Erwan raconte qu’il a arrêté de boire du jour au lendemain après avoir eu un déclic. Depuis, il dit être libéré. Au micro d’Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Erwan retrace son chemin, de sa dépendance à l’alcool vers son abstinence il y a deux ans.
TÉMOIGNAGE

Erwan a compris qu’il était dépendant à l’alcool à 25 ans, quand sa consommation festive est devenue une consommation solitaire quotidienne. Expliquant qu’il ne pouvait envisager sa vie sans alcool, il a continué à boire pendant 11 ans avant d’aller consulter un addictologue. Après une première tentative de sevrage, Erwan a finalement arrêté de boire du jour au lendemain après avoir eu un déclic. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, Erwan raconte sa vie passée sous l’influence de l’alcool et comment il est parvenu à se libérer de sa dépendance.

"J'ai 44 ans. J'ai grandi dans une famille dans laquelle on avait une malédiction autour de l'alcool. Nous avons vécu plusieurs décès liés à l'alcool. Ma mère était alcoolique. Je l'ai vue soûle tous les jours de mon enfance. Mon père s'est mis à boire un peu plus tard. Quand je suis arrivé aux années étudiantes, j'ai connu l'école de commerce et les soirées open bar, ce qu'on appelle aujourd'hui le binge drinking. Les alcoolisations massives ont commencé. Je buvais minimum deux ou trois litres de bière le vendredi et le samedi. Au début, ce n’était que le week-end. Ensuite, la dépendance s'est accélérée. 

" Je savais que j'étais dépendant, mais je n’envisageais pas une vie sans alcool "

Je me suis rendu compte que j'avais un problème uniquement quand j'ai eu 25 ans. Pour moi, de 18 à 25 ans, j'étais juste un étudiant fêtard qui buvait beaucoup. Quand j'ai commencé à travailler, je me suis mis à boire beaucoup avec mes collègues le midi. Puis, j'ai commencé à boire aussi le soir seul chez moi. Quand j'ai déménagé à l'âge de 25 ans, je me suis rendu compte que je n'avais plus la main sur l'alcool. J'étais terriblement en manque. J'ai réalisé que j'étais accro, mais je n'ai pas essayé de me soigner pour autant. 

J’ai continué à boire jusqu'à mes 36 ans. C’était 11 ans de plus pendant lesquels je savais que j'étais dépendant, mais je n’envisageais pas une vie sans alcool. J'avais très peur que l'on me dise que la sortie, c’était l'abstinence. C'est une des raisons pour lesquelles je ne suis pas allé me faire soigner. Je commençais à avoir des symptômes, comme une nervosité épouvantable et des troubles du sommeil. L'alcool perturbe le sommeil et vu que j'avais un fils en bas âge, mon sommeil était vraiment très altéré. Puis, il y avait une violence qui montait en moi. Je me suis limité aux objets. Je n'ai jamais violenté personne. 

" J'étais obligé de m'absenter sans arrêt pour boire en cachette "

Tous ces symptômes sont arrivés. Donc, à 36 ans, j'ai décidé d'aller consulter pour la première fois. J'ai eu la chance d'être suivi par un addictologue à l’hôpital. Ça s'est très bien passé. J'ai refusé tout traitement médicamenteux, parce que toute ma vie, j'avais vu mes parents prendre beaucoup trop de médicaments. Finalement, par le dialogue, j'ai démarré une abstinence de six mois. Mais je me disais que je n’étais pas malade et que j’allais reboire modérément au terme de ces six mois. 

Au bout de ces six mois, j'ai suivi plusieurs de petites règles - ne pas boire régulièrement et éviter la bière et le rhum - qui m'ont permis de tenir deux ans avec une consommation modérée. Puis, j’ai fait des voyages à l'étranger où j'ai commencé à reboire de la bière. Il y a eu un hiver où il a fait froid, j'ai bu du rhum et c’était reparti. Tous les symptômes sont revenus. À l’été 2019, j'ai eu un ras le bol. J'étais obligé de m'absenter sans arrêt pour boire en cachette. Je sentais que j'allais avoir un accident. 

J'ai eu un déclic et j’ai arrêté de boire du jour au lendemain. Je l'ai fait seul, sans aucun traitement médical, ni suivi. Je suis une personnalité très solitaire. Les autres m'incitaient certainement à boire. Le fait de m’isoler m'a aidé. Heureusement, je n'ai pas fait de delirium. J'ai eu de la chance. Il ne faut pas faire ça tout seul normalement. Il n'y a qu'une guérison, c'est l'abstinence. Il ne faut pas voir ça comme une vie sans alcool. C'est une vie de liberté. Chez ceux qui sont dépendants, la modération ne fonctionne pas.  

Quand j'ai arrêté de boire, ça m'a complètement libéré. Je n’en pouvais tellement plus, je ne dormais plus. Les trois mois suivants, j'ai écrit mon livre, Un détour par l’enfer, dans lequel j'ai raconté ces 25 ans d'enfer. J’ai commencé à boire à 18 ans et j'ai terminé à 43 ans. Ça fait bientôt deux ans que j’ai arrêté. Il faut réapprendre à vivre, parce que 25 ans, c'est long. Pendant la première année sans alcool, on garde une nostalgie de l'ivresse. La deuxième année est beaucoup plus facile. Je suis dans cette dynamique, c’est terminé pour moi."