Les femmes au travail, une évidence qui, en 2016, pose encore de nombreuses difficultés dans le monde de l'entreprise. A l'occasion de la 4e semaine de l'Egalité Professionnelle du 3 au 9 octobre, le gouvernement a lancé mardi un plan interministériel pour l'égalité professionnelle homme/femme. Car entre les écarts de salaire, les refus de promotion, les discriminations à l'embauche et surtout ce "moment à risque" que représente parfois la maternité, il reste encore beaucoup à faire en matière d'égalité homme/femme au travail. Et les chiffres sont éloquents : selon une étude de l'Apec de 2013, une femme cadre gagne 8,5% de moins qu'un homme occupant un poste équivalent. 40% des femmes ont également constaté que leur carrière a été ralentie ou stoppée après avoir eu des enfants, d'après le 7e baromètre sur la perception des discriminations au travail, paru en 2014. Néanmoins, si vous pensez être victime de discrimination au travail, des recours existent pour obtenir gain de cause.
"Les femmes ont tendance à ne pas en parler". Mais pour faire reconnaître sa discrimination, encore faut-il en parler. "Les femmes ont peur du retour de bâton, donc elles ont tendance à ne pas en parler", nous explique Clémence Helfter, responsable du collectif égalité femmes-hommes de l'Ugict-CGT, qui a lancé lundi avec d'autres la campagne "Vie de Mère" sur internet. "Elles se sentent responsables de cette discrimination et ne sont pas forcément crues". C'est ce qui s'est passé pour Pascale, 48 ans, mère de trois enfants et cadre supérieure dans un groupe de télécom. Lorsqu'elle revient de congé maternité pour la naissance de son troisième enfant, elle demande à son nouveau patron de bénéficier d'un temps partiel pour assurer le suivi médical de sa fille, née prématurée. Refus net. "Mon patron puis le responsable des relations humaines m'ont dit que mon poste n'était pas compatible avec mon statut de mère de famille", témoigne-t-elle.
N'ayant pas eu le choix de prendre son temps partiel, Pascale s'est retrouvée mise au placard à son retour: "mon seul objectif du semestre a été de ranger le bureau de mon patron". A l'époque, celle-ci n'avait pas eu le courage d'attaquer son employeur. "L'environnement social vous conduit à penser qu'il est illusoire de mener de front une carrière professionnelle et d'avoir un statut de maman". "Je me sentais nulle et naïve de croire que je pouvais conserver mes compétences avec trois enfants", ajoute-t-elle.
Négociations, syndicats, Défenseur des droits, prud'hommes… Des recours existent néanmoins pour prouver la discrimination. Clémence Helfter, de l'Ugict-CGT, détaille les différentes voies possibles. Pour elle, l'idée n'est pas d'entamer tout de suite une procédure devant le tribunal mais "de déclencher un dialogue avec son manager ou la direction des relations humaines". Elle conseille également d'aller voir son délégué du personnel, le CHSCT (Comité hygiène, sécurité et conditions de travail) ou la DUP (délégation unique du personnel).
Si l'on pense avoir été victime de discrimination à l'embauche, il est possible de se tourner vers le délégué du personnel même si l'on n'est pas salariée. "Je rappelle que c'est interdit de demander à une femme lors d'un entretien d'embauche si elle projette d'avoir des enfants". Si vous vous sentez victime de sexisme, tels "des compliments marqués, des remarques sur les tenues vestimentaires", et comme c'est le cas pour 80% des femmes selon le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, la loi Rebsamen a introduit en 2015 la notion d'"agissements sexistes" sur laquelle peuvent s'appuyer les juges pour faire condamner l'employeur.
En effet le dernier recours reste d'aller devant le tribunal, "si l'entreprise fait preuve de mauvaise foi délibérée, on peut monter, via les délégués des personnels, des dossiers devant les prud'hommes", poursuit Clémence Helfter. Autre possibilité également : saisir le Défenseur des droits. "J'ai eu le cas d'une femme qui n'a pas eu une promotion après un retour de grossesse. Elle a accédé le levier syndical et le levier Défenseur des droits. Il a pris contact avec la direction et depuis c'est en bonne voie", se souvient la syndicaliste.
La méthode Clerc, "pour établir les différences de traitement en matière d'évolution de carrière". Lorsque le dossier est porté devant le tribunal, les avocats ont parfois recours à la méthode Clerc, du nom du syndicaliste François Clerc, à l'origine des premiers combats contre les discriminations syndicales. Maitre Emmanuelle Boussard-Verrecchia, avocate en droit du Travail et spécialiste des questions de discrimination utilise très souvent cette méthode qui permet, selon elle, "d'établir les différences de traitement en matière d'évolution de carrière". En clair, "il s'agit pour les femmes de vérifier leur évolution de carrière par rapport aux autres, en définissant un panel de personnes comparables".
A l'arrivée, le constat est sans appel : "les femmes et les hommes sont partis avec des différences assez faibles mais quinze ans plus tard, les hommes forment un groupe en haut de la classification de la rémunération et des compétences". En cause : les grossesses qui pour l'avocate, vont ralentir la carrière de "trois ans au moins". Avec la méthode Clerc, "on arrive à établir la discrimination, à calculer le montant des dommages et intérêts pour compenser le préjudice passé et le niveau que le juge devra fixer pour compenser la discrimination".