Comment sont reçus les inspecteurs du Guide Michelin ? La nouvelle édition de la bible des restaurants haut de gamme parait jeudi. Comme chaque année, les équipes du guide rouge ont sillonné la France et ses plus belles tables pour savoir quelle enseigne mérite de se voir attribuer la prestigieuse étoile. Afin de s’assurer un traitement parfaitement neutre, chaque inspecteur s’emploie à garder un anonymat et une discrétion absolus. "On ne fait jamais la distinction, on s’occupe de tous les clients comme s’ils étaient des inspecteurs du Guide Michelin", répondent d’ailleurs en "on" tous les restaurateurs contactés par Europe 1. En "off", toutefois, certains reconnaissent que des indices permettent de repérer le jury redouté parmi la foule de clients lambda.
" Il réserve pour deux, mais il vient seul "
A une époque, on pouvait reconnaître ces inspecteurs à leur costume cravate et leur voiture de monsieur-tout-le-monde. Maintenant, c'est moins le cas. Mais certains chefs et leurs équipes ont appris à déceler les signes potentiellement avant-coureurs. "Ils réservent souvent pour deux personnes et au final, l'inspecteur est tout seul. Donc là, on se dit 'Attention, c'est sûrement un inspecteur'. Il se présente en fin de repas ou le lendemain revient en disant 'J'ai dîné hier soir, je suis inspecteur du guide Michelin, est-ce que je peux visiter l'établissement ?'", raconte ainsi un chef étoilé des Alpes de Haute-Provence.
"Lorsqu’un client est seul, on fait un peu plus attention", confient en cœur tous les restaurateurs contactés par Europe 1. Mais cela ne constitue pas un indice suffisant, loin de là. Car des clients individuels, chaque établissement peut en avoir pléthore. Or, il est souvent difficile de distinguer un inspecteur d’un simple hédoniste solitaire. "Les inspecteurs du guide ne réservent souvent pas sous leur vrai nom. On ne peut donc pas les enregistrer d’une année sur l’autre ! Parfois, ils viennent se présenter après le repas, nous en avons vu quelques-uns. Et il n’y a vraiment pas de profils particuliers, pas d’âge, ni de sexe, ni même de style vestimentaire particulier. Ils n’ont pas de grands imperméables sombres !", s’amuse la gérante d’un restaurant étoilé parisien.
" On se méfie dès qu’il pose beaucoup de questions "
Reste donc, pour faire le tri, à observer l’attitude du client solitaire. "On se méfie dès que quelqu’un mange seul. Mais aussi dès qu’il commence à poser beaucoup de questions : sur le personnel, la provenance des viandes, du poisson etc. Parfois ils prennent des notes. Un client lambda a davantage tendance à rester concentré sur son plat sans rien dire, à lire ou regarder son téléphone", explique un chef de service d’un autre établissement de la capitale. Qui poursuit : "ce n’est pas facile, ils sont très décontractés et ne laissent rien transparaitre. Mais certains serveurs arrivent à avoir plus de feeling que d’autres. Ils nous disent : attention, celui-là il a l’air d’en être !"
" Lorsqu’ils sont dans la région, la rumeur enfle "
A défaut de "feeling" ou en l’absence de signes distinctifs, un restaurateur peut enfin s’appuyer sur la solidarité de ses confrères. En effet, dans certaines régions où le nombre de restaurants "étoilables" est restreint, la venue des inspecteurs ne passe pas toujours inaperçue. "Parfois, lorsqu’ils sont dans la région, cela se sait. La rumeur enfle. Cela arrive que l’on soit au courant quand on a des confrères qui nous aiment bien !", confirme ainsi un étoilé normand. Qui nuance, tout de même : "Ils sont très discrets, ils font bien leur boulot. Ils savent où ils mettent les pieds. Ils sont plusieurs à venir, pas en même temps. Une étoile au Michelin, c’est tellement important. Cela demande beaucoup de travail et de passion pour l’obtenir. Que l’on repère l’inspecteur ou pas, cela ne change rien".